26.09.2023 Auteur: Veniamin Popov

Les signes du déclin du système politique américain

L’autre jour, la presse américaine a rapporté qu’une biographie du sénateur Mitt Romney, qui venait d’annoncer sa démission, était en cours de préparation pour publication. Un éditorialiste du New York Times a lu un extrait du livre et « a été frappé par la profondeur du mépris du sénateur pour une grande partie du parti républicain, y compris pour nombre de ses collègues du Sénat ». Il condamne leur vanité, leur vénalité et leur lâcheté : il a des mots particulièrement durs pour les nombreux sénateurs « qui étaient prêts à faire ou à dire n’importe quoi pour obtenir du pouvoir politique et de l’influence ».

La presse américaine décrit de plus en plus les États-Unis comme un pays où les inégalités raciales sont profondément enracinées.

L’hypocrisie du système politique est démontrée de manière éclatante dans la bataille actuelle entre les deux principaux partis des États-Unis, le parti républicain et le parti démocrate.

Les démocrates, craignant la popularité croissante de l’ancien Président Donald Trump, déploient divers efforts non seulement pour le discréditer, mais aussi pour le contraindre à retirer sa candidature aux élections de 2024. Quatre procédures pénales ont été ouvertes contre Trump, qui prévoient son emprisonnement pour 500 à 700 ans. M.Trump lui-même ne plaide pas coupable et affirme que toutes ces affaires sont motivées politiquement et qu’elles ont pour but de l’empêcher de se présenter aux élections. Le jour où l’ancien Président a été accusé d’avoir incité à l’instabilité politique, l’agence de notation Fitch a abaissé la note de la dette des États-Unis, citant « une détérioration constante des normes de gouvernance au cours des 20 dernières années » et ajoutant que « les impasses politiques répétées sur la limite de la dette et les résolutions de dernière minute ont sapé la confiance dans la gestion budgétaire ».

Les républicains ont réagi en lançant une enquête sur les « machinations financières » de l’actuel Président Joe Biden, l’accusant d’avoir accepté des pots-de-vin. Le chef de file des républicains à la Chambre des représentants a déclaré qu’ils étaient déterminés à porter l’affaire jusqu’à la destitution.

À cet égard, les journalistes locaux concluent que la campagne présidentielle de 2024 promet d’être la plus litigieuse et conflictuelle de l’histoire des États-Unis en raison d’une discorde profondément enracinée.

Les Américains sont de plus en plus alarmés par la question non résolue de l’immigration illégale, et la société est divisée sur l’interdiction de l’avortement.

Le pays le plus riche du monde moderne a un énorme problème d’inégalité et de pauvreté. La consolidation du pouvoir économique conduit inexorablement à la consolidation du pouvoir politique. Entre 1990 et 2021, le nombre de milliardaires des États-Unis est passé de 66 à 745, et le montant des richesses qu’ils détiennent est passé de 240 milliards de dollars à plus de 5.000 milliards de dollars. Selon le journal The Economist, la concentration de l’économie américaine n’a jamais été aussi élevée depuis au moins un siècle : sur les 900 secteurs de l’économie, le nombre de ceux dans lesquels les quatre plus grandes entreprises détiennent plus des deux tiers des parts de marché est passé de 65 en 1997 à 97 en 2017, et le taux de création de petites entreprises est à son niveau le plus bas.

Le 15 septembre dernier, la chaîne de télévision Al Jazeera a montré comment les grandes entreprises pharmaceutiques se sont enrichies pendant la pandémie de Covid-19 : Pfizer a facturé au gouvernement américain 100 dollars pour une dose de vaccin dont le coût de production variait entre 0,95 et 4 dollars.

Quant à l’Humira, un médicament destiné à traiter des maladies telles que la maladie de Crohn et la polyarthrite rhumatoïde, son fabricant a augmenté son prix de 470 %.

Les phénomènes de crise économique sont liés à l’augmentation de la dette publique et du déficit budgétaire des États-Unis, qui met à nouveau le pays en danger de défaut de paiement : les autorités ont récemment indiqué que la dette nationale atteignait 33.000 milliards de dollars, alors qu’en juin, elle était de 32.000 milliards de dollars.

Le New York Times du 5 septembre de cette année, dans un article intitulé « Pourquoi tant d’Américains sont si peu satisfaits de Joe Biden », note que malgré les tentatives de la presse démocrate de glorifier les réalisations de l’administration américaine, la moitié des électeurs interrogés décrivent l’état de l’économie comme mauvais : le prix d’une douzaine d’œufs a augmenté de 38% entre janvier 2022 et mai 2023, celui du pain blanc de 25%, et celui de l’essence de 63%.

Tout cela se déroule dans un contexte d’aggravation des problèmes sociaux de la société américaine. Selon l’Institute for Health Metrics and Evaluation, il y a 22 fois plus d’homicides par arme à feu aux États-Unis que dans l’Union européenne. (Les Chinois affirment qu’il est plus facile d’acheter une arme à feu aux États-Unis que des aliments pour bébés).

Le nombre de décès aux États-Unis est également plus élevé que la moyenne de l’Union européenne, avec 622.000 décès aux États-Unis en 2019. L’augmentation du nombre de décès par overdose est particulièrement alarmante, avec 107.000 personnes officiellement décédées d’overdose en 2022.

La situation générale de tension psychologique expose d’autres fléaux sociaux de l’Amérique. Même un partisan aussi connu du Parti démocrate que l’économiste Paul Krugman, lauréat du prix Nobel, s’est récemment insurgé contre les « décisions difficiles et stupides » qui nuisent à l’intérêt national : le dernier rapport du recensement sur les revenus et la pauvreté a montré que la mortalité infantile a plus que doublé aux États-Unis entre 2021 et 2022 – soit 5,1 millions d’enfants en situation de pauvreté.

Krugman note que cela aurait pu être évité si le budget avait alloué 105 milliards de dollars (soit moins de 0,5% du PIB des États-Unis) à l’aide à l’enfance.

Au lieu d’aider les enfants, qui sont l’avenir de l’Amérique, l’administration américaine a alloué une somme bien plus importante à l’armement de l’Ukraine afin d’alimenter le conflit en Europe de l’Est. En outre, le Président Biden a ordonné que des bombes à sous-munitions, des armes interdites par les accords internationaux, soient fournies au régime de Kiev. La question de la fourniture d’obus à uranium appauvri aux Ukrainiens est actuellement à l’étude.

À cet égard, le journal égyptien Al Ahram a écrit en août dernier que « durant les 42 premiers jours de la guerre contre l’Irak en 1991, les troupes américaines ont largué 88.000 tonnes de bombes et de missiles sur le pays, ce qui équivaut à sept bombes de la même taille que celles que les États-Unis ont larguées sur Hiroshima ». Ils ont également tiré environ 6 000 obus à uranium appauvri.  Les principaux destinataires de cette force destructrice ont été les installations civiles et tout ce qui est lié au maintien de la vie et de l’activité humaine, les installations techniques, les puits de pétrole, les universités, les collèges, les hôpitaux, les cliniques, les mosquées, les musées, les antiquités, les centres commerciaux, etc. Plus de 200.000 maisons ont été détruites, sans parler de l’abri d’Amiriya où des centaines de civils, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été tués par deux « bombes intelligentes » américaines.

La défectuosité du service diplomatique américain est de plus en plus soulignés par la presse des pays occidentaux et des pays en développement.

L’acceptation de pots-de-vin est une pratique très courante dans l’establishment américain : en septembre de cette année, Richard Olson, ancien ambassadeur des États-Unis au Pakistan et aux Émirats arabes unis, a été condamné à une peine de trois ans de prison avec sursis et a payé une amende de plus de 93.000 dollars.

Selon France Presse, il a été accusé d’avoir aidé le gouvernement qatari à influencer les politiciens des États-Unis après avoir quitté le département d’État : une partie de l’argent qu’il a reçu a été dépensée pour sa maîtresse.

La chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya a publié le 2 septembre dernier un gros article intitulé « Quand le sensationnalisme américain fait place à la diplomatie », dans lequel il est dit que le coordinateur spécial du Président des États-Unis pour les infrastructures mondiales et la sécurité énergétique Amos J.  Hochstein, lors d’une mission au Liban, s’est amusé dans ce pays à « dépenser l’argent des contribuables américains et à profiter du soleil de la Bekaa ». L’auteur conclut que la mission de l’émissaire américain a été un échec « et qu’il devrait peut-être envisager de changer de carrière et de tenter sa chance dans la comédie, car les plaisanteries et le sensationnalisme ne peuvent jamais passer pour de la diplomatie ».

À cet égard, la récente conclusion du magazine « Foreign Affairs » est tout à fait remarquable : « le consensus national qui a longtemps soutenu l’action des États-Unis à l’étranger s’est désintégré face aux divisions partisanes croissantes et au clivage de plus en plus profond entre les Américains des villes et des campagnes ».

 

Veniamin Popov, le directeur du Centre pour le partenariat des civilisations à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, docteur ès sciences historiques, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook ».

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