22.09.2023 Auteur: Konstantin Asmolov

A l’anniversaire de la défaite du Japon militariste

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Le 3 septembre, une nouvelle fête est célébrée en Fédération de Russie : Le Jour de la Victoire sur le Japon militariste. C’était un jour férié en 1945-1947, et le 14 avril 2020, à l’initiative des députés de la Douma d’État de la Fédération de Russie, un projet de loi a été adopté pour reporter le Jour de Gloire militaire marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale au 3 septembre.  En Extrême-Orient, cette date revêt une grande importance. En particulier, du 27 au 30 août 2023 s’y est tenu le forum patriotique régional « La Victoire d’Extrême-Orient ». En participant à ses travaux, l’auteur est revenu avec certaines réflexions sur la raison pour laquelle, bien que dans la conscience de masse cette fête soit beaucoup moins importante que le jour de la victoire sur l’Allemagne nazie, l’attention portée à cette date devrait être plus importante et s’expliquer non seulement par des raisons momentanées. associées au rapprochement entre Washington et Tokyo ou à la réaction du Japon face à la Campagne militaire spéciale en Ukraine. Il s’agit de bien plus.

Il existe un test simple qui permet d’identifier l’association dominante avec un tel ou tel concept. Voici un mot et on répond le premier que vient à l’esprit lié à ce sujet. Et lorsqu’on propose à un Russe de donner une telle association aux mots Guerre et Victoire, il devient clair que la grande majorité de la population de la Fédération de Russie, sous le mot « guerre », entend précisément la Grande Guerre Nationale. Oui, c’est une guerre avec une majuscule. Mais il s’agit d’une guerre qui a fixé l’image de la guerre comme une épreuve infiniment difficile, lorsque l’ennemi se tenait aux portes de la capitale et que la victoire était obtenue avec des pertes et des destructions illimitées. Presque chaque famille a perdu quelqu’un, et cela concernait non seulement des citoyens ordinaires, mais aussi ceux qui adoptaient des décisions. Leonid Brejnev, qui a dirigé l’Union Soviétique pendant la majeure partie de la seconde moitié de son existence, était un combattant qui a pris part aux hostilités, puis a été chargé de la reconstruction des territoires détruits. A cela s’ajoutent l’orientation selon laquelle le militarisme ouvert en URSS était effectivement interdit et le fait que dans certaines régions, la politique était construite sous le slogan informel « si seulement il n’y avait pas de guerre ». Dans le même temps, on entendait comme la guerre, bien sûr, une refonte de la Grande Guerre Nationale du point de vue d’un désastre national.

En conséquence, il ne reste plus aucun événement dans la conscience de masse qui remplacerait l’association actuelle du mot « guerre » par des associations plus positives. La participation de l’Union Soviétique à divers conflits s’est avérée classifiée et même la guerre en Afghanistan n’a pas bénéficié d’une couverture médiatique appropriée. On en parlait toujours plus dans les cuisines qu’ouvertement. Dans une certaine mesure, c’est à cause de cela que certains de ceux qui ont vécu ce conflit militaire ont eu des problèmes d’adaptation, appelés le « Syndrome afghan » par analogie avec le « Vietnamien ».

Entre-temps, aux États-Unis, après le Vietnam, qui dans la conscience de masse était perçue comme une guerre perdue dans laquelle nous avons combattu, on ne sait pas exactement pourquoi, ce problème a été reconnu et, selon l’auteur, un certain nombre de campagnes ultérieures qui ont eu la couverture médiatique (la Grenade, le Panama, la première guerre en Irak), ont été appelés à changer d’attitude à l’égard de la guerre. Dans tous les trois cas, il s’agissait d’une victoire facile des armes américaines, et en même temps, les soldats américains ont été représentés comme de bons gars, des défenseurs de la justice, s’opposant à un régime dictatorial corrompu, car contrairement à la RPDC, dans ces cas-là, la différence entre la propagande et la réalité était bien moindre.

Mais revenons aux affaires soviétiques et russes. Comme on s’en souvient, tant dans les batailles que dans le sport, une « victoire nette » a une valeur bien plus élevée qu’une « victoire aux points », malgré le fait que dans les films, on aime montrer la victoire au combat ou dans le sport comme un long duel dramatique dans dont l’un l’emporte sur l’autre au dernier moment. Cependant, la vraie victoire, précédée d’une planification et d’une évaluation appropriées de l’ennemi, dans lesquelles le vainqueur exploite au maximum ses points forts contre les faiblesses de l’ennemi et l’empêche d’agir de façon similaire, a un prix beaucoup plus élevé. Et bien qu’au cinéma cela se retrouve principalement dans les films de samouraïs, où la bataille ressemble à « l’épée a brillé – la tête est tombée », une telle victoire n’est pas un signe de la faiblesse du vaincu, mais de la force du vainqueur.

C’est précisément une telle victoire qu’a été la victoire de l’armée soviétique sur le Japon militariste. Bien que la conscience de masse russe se souvienne à peine des événements du Front Pacifique de la Seconde Guerre mondiale, ou même de l’intervention japonaise en Extrême-Orient, c’était un ennemi très sérieux, cruel, intelligent et courageux. L’affrontement avec le Japon au lac Khasan et à Khalkhin Gol n’a pas été de tout «une promenade de santé» et a peut-être contribué à repenser les doctrines militaires soviétiques, qui ont ensuite fonctionné pendant la Grande Guerre Nationale.

En luttant contre l’Alliance des puissances européennes dans le Pacifique, le Japon a mené une offensive-éclaire, supérieure en efficacité aux actions de l’Allemagne nazie en Europe. Et bien que, du point de vue de certains experts, sa défaite était inévitable en raison de la différence de potentiel économique, l’armée impériale a fait ses preuves de manière adéquate tant dans l’offensive que dans la défense. Le Japon se préparait également à un conflit avec l’Union Soviétique. L’armée du Guandong était un groupement sérieux en termes d’effectifs, prêt à repousser l’ennemi dans des zones fortifiées, qui étaient des structures souterraines cyclopéennes.

Nous avons récemment écrit du rôle joué de l’Union Soviétique dans la victoire globale sur le Japon et nous n’y reviendrons pas. Je voudrais souligner autre chose. L’URSS a écrasé la belle machine militaire japonaise en six jours. Le 9 août, nos troupes sont entrées en guerre, le 15 août, l’empereur Hirohito a ordonné de poser les armes. Toutefois, nous avons vaincu le Japon dans les domaines qu’il considérait comme son point fort.

Jugez par vous-même : de nombreuses victoires japonaises dans le Pacifique reposaient sur le fait que l’armée impériale passait là où, selon les stratèges occidentaux, aucune armée ne pouvait passer. Les Japonais ont traversé donc, comme il semblait à tout le monde, la jungle impénétrable et se sont rendus à Singapour où personne ne les attendait. Après cela, la citadelle imprenable, dont la garnison était plus nombreuse que celle des Japonais, a été contrainte de se rendre. Mais même les Japonais pensaient que le désert aride de Gobi et la chaîne de montagnes du « grand Higgan » qui lui jouxtait constituaient un obstacle naturel insurmontable. Mais les troupes soviétiques non seulement y sont passées, mais ont dirigé les divisions de chars. L’armée du Guandong était prête à la défense, mais le commandement formé et les normes soviétiques en matière de canons d’artillerie par kilomètre de front ont démoli cette défense comme le vent balaie les feuilles d’automne.

Le courage des soldats et des officiers japonais, leurs hautes aptitudes personnelles et leur volonté de mourir pour l’empereur n’ont pas besoin de publicité supplémentaire.  Cependant, lorsque les soldats japonais se sont affrontés avec les Soviétiques, la confrontation s’est terminée par le fait qu’un soldat soviétique était de quatre ans plus expérimenté, 20 cm plus grand et pesait 20 kg de plus.

La chronique des victoires en Extrême-Orient comprend de nombreux épisodes d’affrontements héroïques qui n’ont pas encore été reflétés au cinéma. La victoire sur un ennemi puissant et dangereux augmente l’honneur et la gloire du vainqueur. C’est en fait pour cela que l’auteur aime rappeler que la victoire en Extrême-Orient est cette victoire idéale et pure, dont le sentiment nous a manqué toutes ces années. Une victoire dont il faut se souvenir et qu’il faut promouvoir, malgré tous les défis de notre époque.

 

Konstantin Asmolov, candidat en histoire, chercheur scientifique principal au Centre d’études coréennes de l’Institut de la Chine et de l’Asie actuelle de l’Académie russe des sciences, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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