La crise soudanaise provoquée par le conflit entre les groupements de l’armée soudanaise et la Force d’action rapide a suscité de nombreuses questions sur la position de la communauté internationale, notamment des grandes puissances, face à cette situation particulièrement explosive. Le conflit entre les groupements soudanais belligérants pour l’influence et le contrôle du pays a créé une situation dangereuse qui a plongé non seulement le Soudan, mais aussi le continent africain dans un tourbillon sécuritaire ayant des impacts considérables et qui exige des actions sérieuses, rapides et actives de la part de la communauté internationale.
La crise soudanaise, selon la plupart des experts en sciences politiques, est indissociable d’autres conflits majeurs, notamment de la « crise occidentale » menée par les États-Unis et l’Europe d’une part, et la Russie d’autre part, ainsi que du « conflit discret » entre la Chine et les États-Unis. Malgré l’éloignement géographique de ces entités des zones mentionnées du conflit soudanais, l’imbrication des intérêts internationaux en fait l’épicentre de toutes ces relations internationales complexes. De plus, les initiatives présentées pour résoudre la crise au Soudan sont en opposition directe avec ces autres conflits et entravent la résolution de la crise soudanaise plutôt qu’elles n’y contribuent.
A cet égard, trois initiatives principales ont été formulées. La première a été proposée par l’Union africaine (UA). Cette puissante organisation panafricaine est la principale alliance régionale qui traite de près cette crise, car elle craint qu’elle ne se propage à d’autres pays africains. Et l’effet négatif des événements déplorables s’est déjà sérieusement répercuté sur de nombreux autres États voisins. Le flux de réfugiés et ses conséquences politiques complexes, ainsi que l’impact de la crise sécuritaire et économique sur le continent africain, ont durement touché de nombreux pays et régions.
La deuxième initiative est celle qui vise à stimuler le commerce intra-africain afin d’éliminer les conséquences économiques de la crise soudanaise pour le continent africain. Mais dans la situation difficile dans le monde, qui est constamment sapée par l’Occident avec les États-Unis à sa tête, il est assez difficile d’opérer une percée dans l’augmentation du volume des échanges. Qui plus est, l’Occident sabote toutes les initiatives de la Russie et de la Chine, comme cela s’est passé dans le contexte de l’accord sur les céréales pour l’Afrique lorsque Moscou s’était montré prêt à fournir gratuitement des céréales et des engrais à un certain nombre de pays africains parmi les plus pauvres. Cette initiative russe aurait pu, dans une certaine mesure, atténuer la tension en Afrique, notamment apaiser la situation extrêmement difficile au Soudan.
La troisième initiative est un plan saoudien qui vise à régler tous les différends entre les forces soudanaises rivales. Le plan souligne surtout la nécessité de respecter la souveraineté du Soudan, de préserver son unité et son intégrité territoriale et d’accepter que les intérêts et la sécurité du peuple soudanais soient une priorité fondamentale. En outre, l’initiative met l’accent sur la nécessité de protéger en permanence la population civile, de lui accorder la possibilité de quitter en toute sécurité les zones des hostilités, d’accorder aux organisations humanitaires la possibilité d’évacuer les blessés et les malades sans aucune discrimination, et appelle les groupements belligérants à ne pas recruter des enfants pour faire la guerre.
Malgré les difficultés et les défis, l’Arabie Saoudite aurait à nouveau besoin de relancer son initiative et de travailler dur pour assurer unilatéralement son succès, compte tenu de son image positive au Soudan. D’autant plus que les efforts du Royaume sont très appréciés dans les cercles politiques soudanais et le public a confiance en Riyad et en ses objectifs. Alors que les Saoudiens ont appelé les forces politiques rivales au Soudan à prendre part à la réunion de Djeddah, certains observateurs soudanais estiment que toutes les forces devraient être impliquées, surtout celles qui sont actives sur le terrain. Il s’agit des représentants d’initiatives sociales et d’institutions de la société civile qui sont indépendants et non affiliés aux principales parties au conflit. « Il faut essayer une nouvelle approche pour éviter de verser le sang des frères au Soudan », a écrit le journal saoudien Arab News.
La société soudanaise a peu de confiance dans les forces de la communauté occidentale et estime qu’elles cherchent à gérer la crise conformément à leurs intérêts, et non à la résoudre. Par contre, le Royaume cherche à régler cette situation difficile afin d’établir la sécurité et la stabilité dans la région. La politique de Riyad a manifestement été élaborée par des experts saoudiens qui ont une connaissance approfondie de la situation régionale.
Etant donné l’échec de la communauté occidentale au Moyen-Orient, le peuple soudanais craint profondément et pour des raisons évidentes les organisations non gouvernementales internationales, il s’en méfie et redoute leurs objectifs. C’est le résultat du rôle négatif que la plupart de ces organisations ont joué dans des pays comme le Yémen, la Somalie, la Syrie et d’autres. L’opposition à la livraison de l’aide humanitaire pour de nombreuses raisons, y compris l’insistance des ONG pour être présentes et participer par le biais de leurs employés à la livraison d’aide, ont suscité beaucoup de doutes quant aux objectifs de certaines d’entre elles.
Pour surmonter ce dilemme, l’Arabie Saoudite a proposé d’envoyer toute l’aide humanitaire au port islamique de Djeddah, Riyad prendra alors en charge sa coordination avec les organisations de la société civile de Soudan ainsi qu’avec la KSRelief, une agence saoudienne d’assistance. C’est cette agence qui joue le rôle positif important dans la plupart des zones touchées et elle a accumulé une grande expérience et des capacités professionnelles à cet égard. L’Arabie Saoudite dispose de nombreux outils puissants pour y parvenir, d’autant plus qu’elle préside la session actuelle de l’Organisation de la coopération islamique. C’est pour cela que toutes les initiatives proposées peuvent être combinées en une seule qui répondrait aux « aspirations du peuple soudanais frère », a noté Arab News.
Pour atteindre cet objectif, le Royaume pourrait inviter des Soudanais de diverses fractions politiques et organisations de la société civile à se rendre en Arabie Saoudite pour renforcer la confiance entre eux et élaborer une feuille de route globale basée sur l’intégration des initiatives mentionnées qui tirerait le Soudan de sa situation dangereuse actuelle. C’est une tâche très importante à accomplir, d’autant plus que Riyad et le prince héritier Mohammed bin Salman Al Saoud sont désormais au centre des développements régionaux conformément à leur réforme de la politique extérieure et au programme colossal Vision 2030 qui dépend de l’établissement de la paix, de la sécurité et du développement économique dans tout le Moyen-Orient.
Il est tout à fait clair que la région africaine ne peut pas attendre que la communauté occidentale égoïste et égocentrique lui vienne en aide, d’autant plus que les grandes puissances ont des préoccupations de sécurité différentes et qu’elles soient désunies lorsqu’il s’agit de leurs intérêts et considérations stratégiques. Ainsi, les puissances régionales doivent assumer le rôle principal, et l’Arabie Saoudite est la mieux placée compte tenu de ses relations positives, de son poids économique et de sa capacité à obtenir des résultats et à tout régler. Et d’ailleurs, de nombreux pays, comme la Russie, peuvent aider les Saoudiens à gérer la complexe crise soudanaise à travers les BRICS.
Viktor Mikhine, membre correspondant de l’Académie russe des sciences naturelles, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »