L’Iran tente de créer une alliance gazière avec la participation du Qatar.
Alors que la Turquie tente de sauver l’accord sur les céréales, l’Iran promeut activement l’idée de créer une plate-forme gazière sur son territoire.
L’échange de gaz entre le Turkménistan et l’Azerbaïdjan via l’Iran a servi de test. Puis, en novembre 2022, la Russie et l’Iran ont commencé à travailler sur la question de l’échange de fournitures de gaz pour un volume d’environ 10 milliards de m3/an de gaz dans un premier temps. En février 2023, l’Iran a officiellement proposé à la Russie et au Turkménistan un échange de gaz à grande échelle, en recevant du gaz dans le nord et en fournissant en retour le sud dans toutes les directions voulues. Ils ont notamment discuté de l’approvisionnement en gaz du Pakistan, à la frontière duquel l’Iran construit un gazoduc d’une capacité de 100 millions de m3/jour de gaz (environ 36,5 milliards de m3/an), ce qui ouvre à l’avenir la possibilité d’approvisionner l’Inde.
Toutefois, Téhéran opère actuellement un virage à 180 degrés vers le golfe Persique et explore les perspectives de coopération avec Doha dans le secteur de l’énergie. Comme on le sait, l’Iran et le Qatar constituent respectivement les deuxième et troisième plus grandes réserves de gaz au monde, après la Russie. En outre, la crise qatarie de 2017-2021 a considérablement renforcé les relations entre les deux États et accru l’interaction dans des domaines stratégiquement importants.
Doha est un partenaire idéal pour Téhéran. Après avoir signé des accords de paix avec l’Arabie saoudite, les EAU, le Bahreïn et l’Égypte en 2021, la méfiance du Qatar à l’égard de ces États ne s’est jamais démentie. Compte tenu de ses intérêts économiques, l’émirat investit activement dans des projets pétroliers dans différents pays, de l’Irak à la Libye, où il s’associe à de grandes entreprises énergétiques asiatiques et européennes. QatarEnergy a également vendu certains actifs à des entrepreneurs chinois dans le cadre de la diversification de ses investissements.
La coopération entre l’Iran et le Qatar dans le secteur du gaz offre de grandes perspectives. Il s’agit d’un gros projet de création d’une plate-forme gazière dans le district industriel d’Assalouyeh, dans la province de Bouchehr, sur la côte du golfe Persique, auquel participent la Russie, le Turkménistan et le Qatar. Assalouyeh abrite le centre de production du plus grand champ pétrolier et gazier du monde, North et South Pars, que l’Iran partage avec le Qatar. Si le projet de plate-forme gazière de l’Iran se concrétise, cela signifiera la création d’une plateforme commerciale qui inclura les plus grands fournisseurs de gaz du monde.
En termes de réserves de gaz naturel, la Russie, l’Iran, le Qatar et le Turkménistan figurent parmi les quatre premiers pays du monde (selon le Bulletin annuel de l’OPEP 2021), avec une part de 47,759 trillions de m3 pour la Russie, 33,988 trillions de m3 pour l’Iran, 23,831 trillions de m3 pour le Qatar et 13,95 trillions de m3 pour le Turkménistan. Ensemble, ces quatre pays représentent 57,5 % des réserves mondiales de gaz, ce qui pourrait signifier la formation d’une OPEP du gaz dotée de véritables mécanismes pour influencer le marché du gaz. Ainsi, si l’Iran parvient à unifier les marchés régionaux du GNL et à compenser le manque de possibilités d’exportation de certains acteurs (Russie et Turkménistan) par celles d’autres acteurs (Qatar), l’Iran pourrait potentiellement revendiquer une position dominante dans le secteur du gaz. Ce puissant levier permettra à Téhéran de faire valoir ses exigences auprès des pays occidentaux non seulement dans le cadre de l’accord nucléaire, mais aussi dans le contexte de la levée des sanctions économiques.
Madi Halis Maalouf, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».