Le chef de la ANL promeut sur l’arène politique libyenne ses fils qui sont prêts à développer des relations avec les États-Unis.
Le commandant de l’armée nationale libyenne (ANL), Khalifa Haftar, n’a pas l’intention de participer à la campagne électorale 2023-2024 et est prêt à repasser le service à ses fils. Selon les analystes, un tel transit du pouvoir pourrait conduire à un cap pro-occidental de l’est de la Libye.
Le refus du chef militaire, âgé de 79 ans, de participer au processus électoral visant à unifier l’est et l’ouest de la Libye est dû à sa détérioration de la santé, ainsi qu’aux pressions de la communauté internationale, en particulier de l’Égypte, l’un des principaux patrons du camp levantin de la Libye. Lors de négociations à Caire avec le président de la Chambre des représentants (Tobrouk), Aguila Saleh, et le président du Conseil Présidentiel (Tripoli), Mohammed Al-Manfi, le maréchal a mit en avant une condition de son retrait de la scène politique, c’est à dire de ne pas créer des obstacles à une éventuelle nomination à la présidence de ses fils Saddam et Belkasem.
Passé récemment en Libye, le chef de la CIA, William Burns, a montré la dynamique du changement de l’équilibre politique. Le chef du renseignement américain a eu des pourparlers non seulement avec les dirigeants du Gouvernement d’unité nationale (GUN) à Tripoli, mais également avec ses adversaires dans l’est de la Libye, notamment avec Haftar.
Le premier ministre du GUN Abdel Hamid Dbeibah a assuré que Tripoli partageait les préoccupations des États-Unis au sujet de la domination des forces étrangères sur le territoire de l’ex-Jamahiriya, et a également montré sa volonté de coopérer avec Washington dans les domaines de la politique, de la sécurité et de l’économie.
La rencontre entre Burns et Haftar était intimiste, les agents de la CIA n’ont pas permis à l’un des fils du commandant d’entrer dans les négociations. Au cours de la conversation, le maréchal a insisté pour que les États-Unis ne limitent pas leurs contacts en Libye uniquement avec la Tripolitaine. Le directeur de la CIA a pour sa part tenté de convaincre son vis-à-vis de la nécessité d’abandonner les mesures de pression économique car les partisans de Haftar ont été accusés à plusieurs reprises de blocage les exportations de pétrole. Burns a souligné l’importance de protéger les approvisionnements du carburant en provenance de Libye dans le contexte de la tendance mondiale à remplacer les sources d’énergie russes et a appelé le chef militaire à la coordination de l’armée avec Tripoli.
Bien que le processus de succession au sein du clan de Haftar soit probablement compliqué par un conflit d’intérêts entre Saddam et Belkasem, les experts de l’Institut de Washington pour la politique du Moyen-Orient (Washington Institute for Near East Policy, WINEP) prédisent que c’est le premier qui pourrait assumer le commandement de l’ANL. Saddam travaille depuis longtemps pour renforcer sa propre image dans le domaine de l’information et remplit des missions diplomatiques. En 2021, c’est à lui qu’on a confié des contacts avec une société de technologie politique en Israël, qui a aidé Haftar senior à se préparer aux élections de la même année.
On s’attend à ce que les anciens des tribus et les dirigeants des communautés locales prêteront serment d’allégeance à Saddam Haftar en tant que chef de l’armée, ce qui est généralement réalisé par l’organisation d’une grande réunion de clan. Selon ces estimations, le transfert de la ANL aux mains de Saddam constituerait un test pour les intérêts russes en Libye. Dans ce contexte, le WINEP souligne que le Haftar junior est déterminé à diversifier les contacts extérieurs, comme en témoigne sa volonté d’établir des liens avec Israël, acteur ambigu pour le monde arabe. Les analystes n’excluent pas que c’est à l’époque de Saddam que Cyrénaïque pourrait manifester son intérêt à adhérer aux Accords Abraham. Cela soulève naturellement la question de la fiabilité et de l’utilité de la ANL pour la Russie en Libye post-haftarienne, étant donné que les israéliens sont des alliés des États-Unis. Dans ce contexte, les experts notent que l’administration du président J. Biden a longtemps eu besoin de concrétiser son approche de la Libye afin de ne pas perdre ses positions dans cette arène. La visite soudaine de Burns a montré que Washington avait probablement commencé à travailler là-dessus.
Bakhtiar Urusov, observateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook« .