Sur fond d’échec à attirer dans son orbite les pays asiatiques, Washington a décidé de s’assurer le soutien de ses vieux amis européens.
Du 20 au 27 avril, la frégate française Prairial était au Japon pour une escale amicale. Le navire a pris part à des exercices conjoints pour réprimer l’activité illégale en mer, puis il a occupé une place au quai d’honneur de la base de la Force maritime d’auto-défense de Yokosuka. Cela a constitué une sorte d’annonce d’autres manœuvres militaires communes plus significatives.
Lors d’une conférence de presse dédiée à l’événement, le contre-amiral d’Andigné a annoncé fièrement que l’année 2023 devait être sans précédent du point de vue du renforcement de la coopération des deux pays dans la sphère militaire. En mai, la nouvelle frégate Lorraine mise en service l’an passé se rendra au Japon pour participer à des exercices anti-sous-marins. Puis, un groupe de chasseurs Rafale sera envoyé sur les îles et, vers la fin de l’année, des manœuvres des forces terrestres seront organisées en Nouvelle-Calédonie française. Toutes ces actions visent à garantir la liberté de navigation et à maintenir la paix et la stabilité dans la région Indo-Pacifique.
Quelle est la raison de l’augmentation soudaine de l’intérêt de Paris pour une région éloignée ? Après sa défaite en Indochine, la France a dit adieu pour toujours à ses ambitions coloniales dans la région Indo-Pacifique, et les îles polynésiennes restant sous son contrôle se trouvent si loin des points de tension, que l’apparition d’une quelconque menace pour celles-ci paraît illusoire. Même en admettant que l’augmentation de l’activité militaire soit due à une préoccupation pour les territoires d’outre-mer, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande seraient des partenaires plus logiques ici, et non le Japon, restreint en termes d’actions en dehors de ses îles. En plus de cela, il ne faut pas oublier la situation économique difficile en France même, qui est aggravée par la nécessité de sacrifier régulièrement finances et armements pour maintenir le régime ukrainien. En tenant compte des facteurs susmentionnés, l’organisation de manœuvres à l’autre bout du monde semble vaine et ne peut être justifiée par la protection d’intérêts nationaux.
Le comportement des Français peut seulement s’expliquer logiquement par l’exercice de pressions du côté de Washington. Ayant décidé sous Obama de retrouver leur influence dans la zone Indo-Pacifique, les Etats-Unis ont clairement compris qu’ils se heurteraient aux ambitions croissantes de la RPC. Par conséquent, ils ont tenté depuis le début de s’assurer des soutiens de régions à qui ils, à différentes sauces, promis des avantages économiques, la résolution de problèmes de sécurité maritime et une coopération militaro-technique. Néanmoins, jusqu’à maintenant les pays asiatiques ne se pressent pas pour se jeter sans réserve dans les bras de Washington et gober les balivernes des Américains sur la soif de sang de Pékin. Les Etats-Unis doivent donc impliquer dans la région ses fidèles vassaux d’Europe et les pousser, à marche forcée, à accroître la coopération avec leurs alliés orientaux. Idéalement, les Américains espèrent remodeler l’OTAN, en faisant de l’organisation un monstre global, qui, à la faveur du flou sur le domaine de ses responsabilités et tâches, servirait exclusivement les intérêts des Etats-Unis.
Bakhtiar Urusov, commentateur politique, spécialement pour le webzine «New Eastern Outlook».