03.06.2023 Auteur: Madi Khalis Maalouf

L’Iran continue à tenir le coup

L’Iran continue à tenir le coup

L’énième vague de provocations occidentales n’est pas capable de porter atteinte au régime iranien

Au lieu d’un rapprochement avec l’Occident afin d’alléger le fardeau des sanctions anti-iraniennes et de faire accepter ses conditions dans le cadre du Plan d’action global commun (PAGC), l’Iran a préféré, suite au lancement de l’opération militaire spéciale en Ukraine, accroître sa coopération avec la Russie et la Chine. Cette situation a conduit dans l’impasse les discussions de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Les consultations relatives à l’accord sur le nucléaire se trouvent, au mieux, en mode thérapie intensive.

Malgré la pression sans précédent exercée sur Téhéran et son économie par les gouvernements occidentaux, le Guide suprême Ali Khameini, ses clercs et militaires ne dévient pas de leur ligne dure pour plaire aux critiques locales ou occidentales. Cela est dû au fait qu’après la révolution islamique de 1979 en Iran, un système politique à plusieurs niveaux fondé sur une théocratie combinée des éléments démocratiques s’est formé. Avec le temps, cette structure s’est rigidifiée et s’adapte de plus en plus lentement aux exigences changeantes.

Dans ces conditions, les manifestations provoquées de l’extérieur et les émeutes couplées à la dégradation de la situation économique dans le pays prennent une large ampleur et attire de plus en plus l’attention des observateurs internationaux. Néanmoins, comme le montre la pratique, les manifestants iraniens ne reçoivent qu’un soutien rhétorique de l’Occident et ne peuvent pas compter sur une aide concrète des Etats-Unis et de l’UE pour le changement de régime. En outre, le soutien affiché des gouvernements occidentaux au mouvement de protestation peut ébranler la confiance de la population envers l’opposition et provoquer des mesures de rétorsion chez le gouvernement iranien, qui a de l’expérience pour supprimer les troubles.

Ici, il est indispensable de souligner que le régime des ayatollahs fut initialement étroitement lié au Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). Cette structure militarisée fut adaptée et équipée pour résister à de tels troubles. Le tandem du gouvernement et du CGRI s’est cimenté grâce au nationalisme pragmatique de l’élite iranienne, fatiguée du règne du shah Pahlavi.

Ainsi, les Occidentaux ne peuvent que parasiter la détresse financière de la population iranienne, qui s’est récemment traduite par des mouvements de travailleurs et des tensions ethniques à cause de l’inflation galopante (près de 50 %). Les troubles les plus intenses ont été enregistrés dans le Nord-ouest kurde du pays, dans la province du Sistan-et-Baloutchistan, où vivent les Baloutches sunnites non persophones, et la province d’Ardabil, peuplée d’Azéris, ainsi que l’Est et l’Ouest de l’Azerbaïdjan. Cela a provoqué des frappes de Téhéran sur le Kurdistan irakien, ainsi qu’une crise diplomatique avec Bakou. Les tensions dans le secteur pétrolier, mais aussi dans d’autres secteurs industriels, tels que le complexe agro-industriel, la métallurgie et l’agroalimentaire ont également pris une teinte occidentale. La confrontation entre le régime et l’opposition a culminé avec la mort en détention d’une jeune femme de 22 ans, Mahsa Amini, en septembre 2022. Cet incident a provoqué une nouvelle vague de manifestations et de pression du côté de l’Europe, critiquant les autorités locales pour leur violation des droits de l’homme. Suite à cela, l’Allemagne a annulé les crédits à l’export stimulant le commerce avec l’Iran, et le parlement européen a classé le CGRI comme organisation terroriste.

Toutefois, en plus de refuser, il faut aussi proposer. Comme on le sait, hormis des promesses naïves sur la mise en œuvre facile de réformes constitutionnelles, les défenseurs des droits de l’homme occidentaux n’ont aucune garantie à apporter. Seul le fils du défunt shah Reza Pahlavi croit en des transformations politiques sérieuses, néanmoins, même avec son arrivée au pouvoir de profonds changements sont peu probables.

En résumé, on peut dire que Téhéran aura beau déclarer développer l’énergie nucléaire à des fins civiles aussi longtemps qu’il le voudra, son message ne sera jamais entendu dans les capitales occidentales. Malgré la forte pression et les provocations permanentes du côté de l’Occident, le régime clérical continue à tenir le coup. Peut-être le guide suprême manque-t-il de popularité au sein de la population, peut-être les manifestations de rue ont-elles été trop durement réprimées, peut-être les attaques israéliennes pourront-elles mettre hors service le potentiel nucléaire de la République islamique d’Iran. Quoi qu’il en soit, tout cela soude encore plus les Iraniens et rend le pays plus sûr. Pour les opposants au régime, sa chute reste une question d’espérance, et non d’attente.

 

Madi Khalis Maalouf, commentateur politique, spécialement pour le webzine «New Eastern Outlook».

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