Récemment, on note une intensification des efforts de l’Algérie sur la voie de la politique étrangère, associée à une augmentation significative des recettes générées par les livraisons d’énergie vers l’UE dans le contexte du refus du gaz russe par les Européens.
La brusque augmentation des capacités financières a contribué au développement de la politique régionale de l’Algérie, qui déploie des efforts considérables pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme islamique. À cet égard, le gouvernement s’efforce d’accroître sa coopération avec les pays voisins de la région sur les plans politique et économique. En particulier, l’Algérie aide la Tunisie voisine, qui traverse une phase aiguë de crise sociopolitique, via des subventions d’un montant de 600 000 dollars pour réduire l’influence des islamistes dans ce pays.
On prévoit également une intensification de l’activité de politique étrangère des Algériens envers le Mali, compte tenu de la volonté de l’Algérie de permettre des négociations entre les parties belligérantes et de la réticence à y déstabiliser davantage la situation en recourant, par exemple, à une influence militaire extérieure. L’Algérie souligne que, du fait de la longueur de sa frontière avec le Mali, il convient de rétablir et de renforcer les activités du cadre stratégique algéro-malien conjoint pour la paix, la sécurité et le développement, créé en 2015 et destiné à régler le conflit dans le Nord du pays entre les rebelles touaregs et les autorités centrales de Bamako.
En ce qui concerne la région du Maghreb, l’Algérie attache une grande importance aux processus de lutte contre le renforcement de l’influence régionale de Rabat, qui, suite à la reconnaissance officielle par Washington de ses revendications sur le Sahara occidental, a intensifié ses efforts pour obtenir le soutien des États africains. L’Algérie craint que la médiation américaine ne crée les conditions préalables à la normalisation et même au renforcement des relations du Maroc avec Israël dans les domaines de la sécurité et de la livraison de matériel militaire par Tel-Aviv à Rabat, ce qui pourrait au final perturber le fragile équilibre des forces dans la région.
Dans ce contexte, l’Algérie s’oppose délibérément à l’octroi du statut d’observateur à Israël au sein de l’Union Africaine (UA) et, partant, au renforcement de la coopération entre les pays membres de l’organisation avec Tel-Aviv, justifiant ses actions par la nécessité pour Israël de commencer par régler le conflit israélo-palestinien. Compte tenu des aspirations susmentionnées des dirigeants de l’Algérie en matière de politique étrangère, ce pays a initié fin 2022 un sommet de la Ligue des États arabes, au cours duquel les Algériens ont réussi à promouvoir des dispositions avantageuses pour les Palestiniens dans le document final, ainsi que la condamnation de la normalisation des relations avec Israël par plusieurs pays arabes.
Dans le cadre de la diversification des orientations de sa politique étrangère, l’Algérie affiche l’objectif d’intensifier la coopération avec les pays des BRICS et envisage également d’acquérir l’adhésion à cette organisation. En outre, les Algériens ont pris un certain nombre de mesures pour développer la coopération avec la Chine. En particulier, l’Algérie a acquis des armes et matériels militaires russes et élargi la coopération avec la Fédération de Russie sur certains projets d’infrastructure.
Dans le même temps, l’Algérie cherche à renforcer ses liens avec l’Occident, en particulier dans le contexte du conflit en Ukraine. Tout d’abord, l’Algérie coopère avec l’UE pour fournir aux Européens du gaz naturel (11 % de tous les besoins européens). Les livraisons d’hydrocarbures devraient également augmenter d’environ 100 milliards de mètres cubes par an après l’achèvement du projet de gazoduc Nigéria-Algérie via le Niger.
À cet égard, et compte tenu du rôle important de l’Algérie dans la sécurité en Afrique du Nord, les États occidentaux ne cherchent pas à imposer de sanctions aux Algériens, qui coopèrent activement avec la Russie, fournissant à l’Algérie 80 % de ses armes et de son matériel militaire.
Il semble que cette circonstance contribuera au maintien de la coopération stratégique russo-algérienne dans tous les domaines de l’économie, malgré la tendance de l’Algérie à intensifier la coopération avec l’Occident.
Ce faisant, l’Algérie devrait tenir compte de la politique du néocolonialisme occidental à l’égard des États africains, qui ne cherche qu’à extraire des ressources des pays du continent africain. Avec leur manière habituelle de « diviser pour mieux régner », les Occidentaux tentent de discréditer la politique étrangère de la Russie aux yeux des Africains afin d’empêcher un rapprochement mutuellement bénéfique entre la Fédération de Russie et les États africains sur un pied d’égalité, en utilisant notamment la crise ukrainienne.
Pour faire face à ce phénomène, il serait bon que l’Algérie se concentre sur la mise en œuvre de politiques centrées sur l’Afrique et le développement de sa propre voie unique en tant que chef de file régional ayant un impact majeur sur la situation en Afrique. Cet objectif serait également rendu possible par la position indépendante et équilibrée des autorités algériennes sur un certain nombre de questions internationales relatives à la paix et à la sécurité, à la protection du patrimoine culturel, à l’éducation, au sport, etc.
Madi Khalis Maalouf, commentateur politique, spécialement pour le webzine «New Eastern Outlook».