Sur le fond d’incompréhension mutuelle, Pékin a refusé l’offre de Washington d’organiser des pourparlers entre les ministres de la Défense en marge du sommet du « Dialogue de Shangri-La ».
Très longtemps, le sommet de Singapour sur la sécurité a été une sorte de plate-forme neutre pour discuter des contradictions dans la région Asie-Pacifique, où même des opposants évidents peuvent se rencontrer et préciser les revendications mutuelles sans préjudice au prestige. C’est pour cela que le refus de la Chine d’organiser une rencontre entre Li Shangfu et Lloyd Austin a attiré l’attention de la communauté mondiale.
Le prétexte formel de rejeter la demande était le fait que le ministre chinois de la Défense était sous sanctions américaines. Li Shangfu a précédemment supervisé le réarmement de l’Armée de libération nationale de la Chine et a promu l’achat d’avions de chasse russes Su-35 et de systèmes de défense aérienne S-400, ce qui a provoqué la colère de l’administration Trump de l’époque.
Derrière la démarche diplomatique prudente de Pékin, se cache l’ignoration totale de Washington des approches et des intérêts de la politique extérieure de la Chine, y compris un soupçon de l’atteinte à la souveraineté. Les Forces armées aériennes américaines effectuent environ 1000 vols de reconnaissance par an près des frontières maritimes de la RPC, en vérifiant en même temps l’état de préparation des forces de défense aérienne chinoises. La Marine s’efforce également de se distinguer dans la zone de sa compétence en envoyant régulièrement des navires dans des zones de territoires contestés par la Chine. Il est significatif que même lors des tentatives persistantes du Département d’État américain d’organiser une réunion au forum, les navires provenant des États-Unis vers les eaux du Japon pour les exercices n’ont pas pu résister et ont fait une boucle, en contournant Taïwan à tout hasard.
Le problème de l’île qui ne reconnaît pas l’autorité de Pékin est très démonstratif. Formellement, le fait que Taïwan fait partie de la Chine a été stipulé dans le Communiqué commun sur l’établissement de relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis du 1979, et ensuite dans le communiqué de 1982, où les dispositions du document précédent ont été réaffirmées. La duplication était nécessaire du fait qu’après l’établissement de relations diplomatiques avec la RPC, les États-Unis ont adopté une loi distincte qui leur permettait, sans reconnaître Taïwan en tant qu’État, de continuer à lui fournir des armes et à justifier sa présence militaire.
Washington ne cesse de diffuser son intérêt pour réduire la tension ou même « réinitialiser » les relations, mais cela vaut-il la peine de faire confiance à un partenaire qui cherche constamment des lacunes pour éviter des accords même documentés. Tenant compte des dernières démarches, Pékin a décidé qu’il n’y avait même pas de quoi parler avec les États-Unis.
Quelques jours après la fin de l’événement, les médias américains ont rapporté que les ministres se sont néanmoins rencontrés et auraient discuté des sujets urgents, mais les officiels de deux pays n’ont pas fait éclairé cet événement. Selon des « témoins », en effet, les ministres se sont croisés lors de la transition entre les sites et se sont simplement échangés des compliments prévus par le protocole. Tout cela ressemble qu’un hégémon vexé s’efforce à compenser les inconvénients de réputation.
Fernando Gaillardo, commentateur politique, spécialement pour le webzine «New Eastern Outlook».