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Sommet de l’OTAN 2025 : L’Europe se soumet à l’impérialisme américain

Ricardo Martins, 02 juillet 2025

Ce qui était présenté comme un sommet décisif de l’OTAN à La Haye s’est révélé être une simple mise en scène diplomatique, minutieusement chorégraphiée pour plaire à un seul homme : Donald J. Trump. Le résultat ? Un rituel de soumission qui consacre la pleine vassalisation de l’Europe.

Sommet de l’OTAN 2025 : L’Europe se soumet à l’impérialisme américain

Sous les apparences cérémonielles, les photos protocolaires gênées et les dîners parsemés de cornichons hollandais, un basculement profond s’est opéré : le démantèlement du modèle social européen au profit d’un vaste agenda militarisé, dicté depuis Washington et approuvé sans sourciller par des dirigeants européens dociles.

L’accord phare – faire grimper les dépenses liées à la défense à un ahurissant 5 % du PIB – n’est pas qu’un choix budgétaire. C’est un abandon politique, la fin assumée du modèle de protection sociale européen que Trump méprise depuis longtemps (et qui favorisera, accessoirement, la montée de l’extrême droite qu’il espère tant). La construction intellectuelle, habilement emballée pour en minimiser la portée – 3,5 % pour la « défense dure », 1,5 % pour les infrastructures et la cybersécurité – a été façonnée sur mesure pour flatter Trump, qui n’a pourtant jamais atteint de tels seuils dans ses propres budgets.

Les Européens méritent des dirigeants qui leur répondent à eux, pas à l’homme dans Air Force One

La résistance discrète de l’Espagne – revendiquant un objectif plus raisonnable de 2,1 % – a constitué l’un des rares actes de dissidence. Mais même cela a été accueilli avec un mépris glacial de la part du Secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, qui a sèchement écarté toute exception : « L’OTAN ne connaît pas les accords parallèles », a-t-il lancé.

Trump, toujours fidèle à sa logique de marchandage, a obtenu ce qu’il voulait : un sommet sans questions gênantes – pas un mot sur son mépris de l’Article 5 (la clause de défense collective), ni sur l’adhésion de l’Ukraine, Zelenski relégué en coulisses, ni sur la crédibilité de ses engagements. À la place : des alliés obséquieux, promettant des milliards à des projets dont les retombées profiteront, comme par hasard, à l’industrie militaire américaine. Les journalistes européens ont prudemment évité de poser la question cruciale : Trump respecterait-il la clause de défense collective de l’OTAN — l’Article 5 — qu’il n’a cessé de saper ?

Ce à quoi nous avons assisté n’avait rien d’une diplomatie entre alliés, mais relevait plutôt d’une chorégraphie féodale. Les dirigeants européens se sont inclinés devant un suzerain qu’ils ne respectent pas, en espérant apaiser temporairement sa colère. Ils ont troqué leur souveraineté contre une faveur passagère. Ils ont hypothéqué les retraites de leurs citoyens pour des missiles. Et cela, sans jamais remettre en cause et sans discussion l’appétit impérial de Trump – qu’il s’agisse du Groenland ou du Canada.

L’Europe n’a pas besoin de l’OTAN dans sa forme actuelle. Elle a besoin d’une architecture de sécurité autonome, au service de ses citoyens – pas des ambitions impériales des États-Unis. Tant que ce changement n’aura pas lieu, l’Europe restera un continent client : armé, endetté, obéissant.

 Mark Rutte ou la performance grotesque d’un Secrétaire général déshonoré

Si Mark Rutte, le nouveau Secrétaire général de l’OTAN, cherchait à devenir le chouchou de Trump, il a décroché le rôle haut la main. L’ancien Premier ministre néerlandais a troqué son costume d’homme d’État pour celui de courtisan servile, devenant la risée des cercles diplomatiques et de la presse.

Ses déclarations désormais tristement célèbres – « Daddy [Trump] doit utiliser un langage fort » et « Cher Donald, félicitations et merci pour votre action décisive en Iran » – auraient pu passer pour de la satire. Mais non, elles sont bel et bien authentiques. Qu’il ait persisté dans ces flatteries – allant jusqu’à saluer des frappes militaires controversées – signe une chute vertigineuse de la dignité attendue d’un chef de l’OTAN.

Soyons clairs : ceci n’est pas de la diplomatie. C’est de la flagornerie. Mark Rutte s’est abaissé, dans un mélange d’excès de soumission et de compliments humiliants, dans l’espoir de gagner les faveurs de son “Daddy” Trump. Il a sacrifié son honneur et son intégrité pour plaire, comme un valet obséquieux.

Sa dévotion à l’ego trumpien a été telle qu’il est devenu le visage de ce “Sommet Trump”, où l’agenda de sécurité européen n’a pas été dicté par les intérêts stratégiques du continent, mais par le besoin de satisfaire les caprices d’un seul homme. Pire encore : il s’est fait le relais d’une désinformation inquiétante, évoquant une possible attaque russe contre un pays membre de l’OTAN sans la moindre preuve, ni précision, ni question sur la fiabilité des sources.

Quand le chef de l’OTAN devient le porte-voix de menaces spéculatives et un cheerleader de la puissance américaine, l’alliance perd sa crédibilité. Les pitreries de Rutte jettent une ombre durable sur toute la classe politique européenne : pour qui roule vraiment l’OTAN ?

La réponse était visible à La Haye – entre tapis rouges, blagues gênantes sur la taille de Trump, cornichons au menu et diners royaux hors sol. Rutte s’est rendu petit, pensant peut-être faire paraître l’alliance plus grande. Il a au contraire exposé sa fragilité et sa dépendance honteuse à un président américain qui sape les fondements mêmes de la démocratie et du multilatéralisme.

L’Europe mérite mieux. Et l’Union européenne, qui s’est engouffrée dans ce projet militaire otanien, trahit, elle aussi, ses idéaux de paix et de prospérité. Elle trahit ses citoyens.

L’OTAN a besoin de visionnaires, pas de courtisans. Et, les Européens méritent des dirigeants qui leur répondent à eux, pas à l’homme dans Air Force One.

 

Ricardo Martins – Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique

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