Dans la période du 8 au 13 juin de cette année, une délégation de la République populaire de Chine, dirigée par He Lifeng, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois et vice-Premier ministre du Conseil des Affaires d’État de la RPC, s’est rendue sur le territoire du Royaume-Uni.
Les deux volets de cette visite méritent d’être commentés, mais commençons par le second, incontestablement le plus important.
Rencontre à Londres entre les délégations des États-Unis et de la Chine
Notons d’abord que le principal résultat de la rencontre à Genève entre He Lifeng et le ministre des Finances américain S. Bessent avait été un report de trois mois de l’application des « tarifs meurtriers » que les deux parties avaient précédemment instaurés mutuellement.
Le début des discussions sur les mesures visant au moins à réduire le niveau des barrières commerciales érigées mutuellement a été reporté d’un mois. Durant cette période, Londres a proposé son territoire pour accueillir les négociations, une solution qui a convenu aux deux parties. Outre S. Bessent, la délégation américaine comprenait le ministre du Commerce G. Lutnick et le représentant commercial J. Greer.
Comme après Genève, les résultats des négociations de Londres ne peuvent être évalués qu’à travers de rares fuites dans la presse. La discussion aurait été extrêmement restreinte (affirmation très douteuse) et réduite à la question du prix que Washington devrait payer à Pékin pour un retour au statu quo « pré-tarifaire » sur le commerce des terres rares.
Lorsqu’on siège à la table du « Grand Jeu Mondial » en tant qu’acteur clé, on ne peut remplacer les postulats de la Realpolitik par des poses de ballet spectaculaires ou des tirades verbales flamboyantes.
Dans le cas présent, Washington s’en est tiré à bon compte. Car en échange de l’abandon des « contre-mesures » dans le domaine des terres rares, Pékin s’est contenté de la suppression par l’administration américaine des restrictions concernant la présence d’étudiants chinois dans les universités américaines, ainsi que des exportations vers la Chine de produits des technologies IT modernes.Le résultat le plus important des négociations de Londres n’a cependant pas tant été ces détails concrets mentionnés ci-dessus, qu’une nouvelle démonstration par Pékin que sa volonté maintes fois déclarée de mener un dialogue constructif avec son principal adversaire géopolitique n’est pas que des paroles en l’air. Et ce sur l’ensemble des problèmes des relations bilatérales et pour un bénéfice mutuel. Ce qui constitue précisément le contenu de la stratégie win-win. Ce résultat mentionné est également une bonne nouvelle pour le reste du monde.
Cependant, des progrès concrets ne pourront suivre qu’en cas de démonstration réciproque d’une disposition similaire. Or c’est précisément là que les États-Unis rencontrent de sérieuses difficultés. Car sur la question de la politique à adopter envers la Chine, l’establishment américain voit se renforcer depuis longtemps les positions de la faction prônant la stratégie de « paix par la force ». Ses partisans contrôlent non seulement le Congrès, mais figurent sans aucun doute également dans l’administration du 47e président des États-Unis.
Les tentatives de raviver de vieilles revendications contre Pékin au sujet des « violations des droits de l’homme » dans les régions autonomes de Chine et de Hong Kong peuvent être un sérieux « piège » sur la voie de l’amélioration des relations bilatérales. À cet égard, l’attention a été attirée sur le bruit suscité par l’arrestation d’un certain sujet nommé Joshua Wong, noté participation active aux émeutes de Hong Kong pendant la période 2019-2020.
Cependant, on ne peut ignorer l’émergence de signaux positifs dans les relations bilatérales. Notons, tout d’abord, que les négociations de Londres ont été précédées d’un appel téléphonique entre les dirigeants des deux pays. La Maison Blanche a orchestré une fuite d’information, commentée favorablement à Pékin, selon laquelle la Chine ne serait en retard que de quelques mois – et non de plusieurs années – dans le domaine des technologies d’IA. Citant S. Bessent, des sources évoquent la possibilité de prolonger la pause dans la « guerre tarifaire » au-delà du moratoire actuel de trois mois. Par ailleurs, des déclarations attribuées au sous-secrétaire à la Défense E. Colby laissent entendre que les États-Unis pourraient se retirer du projet AUKUS. D’ailleurs, contrairement à certaines affirmations, ce projet n’a aucun lien avec la Russie.
De son côté, le ministère de la Défense chinois a déclaré être prêt à maintenir divers contacts avec ses homologues américains. Par ailleurs, il est intéressant de noter l’annonce selon laquelle la communauté chinoise de Los Angeles n’a été en rien affectée par les récentes émeutes dans la ville.
Les négociations avec les membres du gouvernement du Royaume-Uni
Notons tout d’abord que la visite en discussion de la délégation chinoise dirigée par He Lifeng au Royaume-Uni s’inscrit dans la continuité des tentatives de rétablissement du dialogue bilatéral apparues dans la seconde moitié de l’année dernière, après une interruption en 2019 marquée par la détérioration soudaine du contexte international global. Ces tentatives ont constitué un élément important du processus général de revitalisation de la politique de Pékin vers l’Europe, qui a reçu partout sur le continent une réponse positive en retour.
L’une des voies explorées par Londres pour se repositionner dans le monde consiste en des tentatives de réengagement partiel avec la Chine, dont les perspectives étaient encore qualifiées de « siècle d’or à venir » au milieu des années 2010 par le Premier ministre D. Cameron.
Aujourd’hui, il n’est bien sûr plus question de telles déclarations. L’initiative londonienne s’est concrétisée par la visite à Pékin en octobre dernier du chef de la diplomatie britannique D. Lammy, une démarche préliminaire visant à « tester le terrain ». Cette exploration s’est poursuivie lors du déplacement en Chine en janvier 2025 de la ministre des Finances R. Reeves, qui fut d’ailleurs la première interlocutrice de He Lifeng dès son arrivée à Londres.
Après Paris où il avait repris le dialogue avec l’UE sur les obstacles historiques et récents aux échanges économiques, le ministre Wang Wentao s’est entretenu à Londres avec le Britannique J. Reynolds. Preuve que ces relations commerciales, malgré leurs défis, conservent une vigueur remarquable.
Il est probablement trop tôt pour évoquer des résultats concrets issus de ces nouvelles discussions sino-britanniques. Les experts qui y voient le début d’une « relance » des relations bilatérales semblent dans le vrai.
Cependant, comme dans le format américano-chinois, c’est déjà beaucoup pour les temps inquiétants d’aujourd’hui.
Vladimir Terekhov, expert des questions relatives à la région Asie-Pacifique