Les relations russo-algériennes se développent depuis des décennies dans un esprit de confiance mutuelle, de respect et de partenariat mutuellement bénéfique. Aujourd’hui, cette coopération couvre un large éventail de domaines : du dialogue politique et des échanges économiques à la collaboration humanitaire et aux projets culturels.
– Votre Excellence, comment évalueriez-vous l’état actuel des relations russo-algériennes ?
– La Russie et l’Algérie entretiennent historiquement des liens d’amitié et de partenariat fondés sur l’égalité et le respect mutuel. Ces relations continuent de se développer de manière progressive, comme en témoigne notamment la signature, en 2023, de la Déclaration sur le partenariat stratégique approfondi entre nos deux pays, à l’occasion de la visite du Président de la République algérienne démocratique et populaire, M. Abdelmadjid Tebboune, en Russie.
Nous considérons l’Algérie comme un partenaire fiable, avec lequel nous entretenons un dialogue constructif et de confiance tant dans le cadre bilatéral que sur les plateformes multilatérales. Sur de nombreuses questions de l’agenda international, nos positions sont proches, voire convergentes. Toutefois, nous sommes convaincus qu’il ne faut pas se reposer sur les acquis, mais continuer à œuvrer activement au renforcement de nos relations. Le potentiel existe, ainsi que de réelles opportunités pour ce faire.
Quels sont, selon vous, les axes prioritaires de développement de la coopération économique entre la Russie et l’Algérie ?
Actuellement, des efforts soutenus sont déployés pour promouvoir les produits russes, notamment agricoles, sur le marché algérien. Malgré les circonstances difficiles, les entreprises russes et algériennes trouvent des solutions pour surmonter les obstacles, défendre leurs intérêts et faire avancer leurs projets.
Des initiatives sont en cours dans divers domaines, notamment la pharmacie, les services bancaires, les transports, entre autres. Je suis convaincu que nos deux pays ont encore beaucoup à s’apporter mutuellement, et qu’un nombre conséquent de projets bilatéraux verra le jour dans un avenir proche.
– Est-il prévu de signer prochainement de nouveaux accords dans les domaines de l’énergie et de l’agriculture ?
– La Russie et l’Algérie œuvrent en permanence à la modernisation et à l’actualisation de la base juridique et contractuelle de leurs relations bilatérales. En janvier de cette année, en marge de la 12ᵉ session de la Commission intergouvernementale russo-algérienne pour la coopération économique, commerciale, scientifique et technique, tenue à Alger, plusieurs accords et mémorandums ont été signés.
Des accords importants dans les domaines de l’agriculture, de la médecine vétérinaire, de la protection des droits des consommateurs, des médias, entre autres, ont été conclus précédemment. Un travail minutieux est en cours sur de nouveaux documents bilatéraux de coopération dans les domaines de l’énergie, des transports et de la construction urbaine. La signature de ces accords requiert une élaboration approfondie, ce qui peut parfois prendre du temps.
– Quelles initiatives sont mises en œuvre pour intensifier les échanges culturels et éducatifs entre les deux pays ?
– S’agissant de la coopération humanitaire, notamment dans le domaine de l’éducation, nous disposons déjà d’une base solide pour renforcer notre partenariat. En janvier de cette année, un accord sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et documents éducatifs a été signé, facilitant ainsi considérablement l’employabilité des étudiants des deux pays après l’obtention de leur diplôme.
Le gouvernement de la Fédération de Russie attribue chaque année un nombre important de bourses aux citoyens algériens (plus de 350 pour l’année universitaire 2025/26), quota qui augmente d’année en année. Des relations directes sont également établies entre les établissements d’enseignement supérieur russes et algériens, permettant l’envoi de leurs représentants en stage dans le cadre de programmes d’échange académique.
En matière de coopération culturelle, il convient de souligner que les Algériens ont une connaissance assez approfondie de la Russie. Nombre de personnalités culturelles locales ont étudié dans nos universités, où elles ont reçu une excellente formation tout en gardant des souvenirs chaleureux de notre pays. Elles saisissent toute occasion d’inviter des artistes et figures culturelles russes en Algérie.
La Russie participe traditionnellement aux festivals internationaux de musique symphonique et de danse contemporaine organisés chaque année avec succès en Algérie. Cette année, grâce au soutien de la Maison de Moscou pour les compatriotes et du gouvernement de Moscou, le collectif « Posle 11 » s’est produit dans le cadre des festivités du 80ᵉ anniversaire de la Victoire. Peu auparavant, dans le cadre d’une mission économique russo-algérienne, le Théâtre d’État de danse « Cosaques de Russie » a visité l’Algérie.
Naturellement, nous poursuivrons nos efforts pour promouvoir la culture russe en Algérie, d’autant que l’intérêt de la partie algérienne à cet égard est bien réel.
– Des projets sont-ils envisagés pour accroître les flux touristiques entre la Russie et l’Algérie ?
– Les flux touristiques entre nos deux pays sont en croissance constante depuis quelques années. Après la levée des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, l’intérêt des Algériens pour le tourisme en Russie a connu une augmentation notable.
Malheureusement, l’Algérie ne figure pas encore parmi les destinations de masse privilégiées par les touristes russes, bien que son potentiel soit considérable, notamment dans le domaine du tourisme saharien. Dans l’ensemble, la République algérienne dispose d’atouts uniques dans ce domaine : en quelques heures de route, il est possible de découvrir la mer, les montagnes et le désert. Je suis convaincu que cette destination connaîtra un développement significatif à l’avenir.
– Comment la position de la Russie sur la crise ukrainienne est-elle perçue en Algérie ?
– Nos partenaires algériens comprennent parfaitement les causes du conflit en Ukraine ainsi que notre position. Tout en affirmant officiellement leur neutralité, les autorités algériennes ont proposé à plusieurs reprises leurs bons offices pour favoriser un règlement pacifique.
Cependant, comme chacun le sait, une solution durable nécessite avant tout la volonté politique et l’engagement sincère de toutes les parties. L’Ukraine ayant de facto perdu sa souveraineté et étant désormais dirigée de l’extérieur, ses autorités ne sont pas en mesure de prendre des décisions indépendantes. Quant à leurs tuteurs occidentaux, ils semblent malheureusement déterminés à poursuivre le conflit jusqu’au dernier Ukrainien.
– Compte tenu de la neutralité de l’Algérie, voyez-vous un rôle possible pour ce pays dans le règlement du conflit ?
– Comme je l’ai déjà mentionné, l’Algérie a proposé une initiative de médiation dès 2023, mais celle-ci n’a pas connu de suite à l’époque. La Russie, pour sa part, a toujours exprimé sa disponibilité à engager des négociations, même sans médiation d’un pays tiers.
– Le conflit en Ukraine affecte-t-il la coopération entre la Russie et les pays africains, notamment l’Algérie ?
– Le conflit ukrainien a révélé au monde entier le véritable visage de ce que l’on appelle l’Occident collectif. Nos partenaires africains ne font pas exception : de plus en plus de pays réalisent clairement que le monde unipolaire dominé par l’Occident touche à sa fin et que nous entrons dans une nouvelle ère de multipolarité.
La Russie propose à tous les États intéressés une coopération fondée sur l’égalité, le respect mutuel et la prise en compte des intérêts réciproques. En ce sens, la crise ukrainienne a sans doute contribué à dynamiser nos relations avec les pays du continent africain.
– Comment la Fête de la Victoire a-t-elle été célébrée à l’Ambassade de Russie en Algérie ? Y a-t-il eu des événements communs avec la partie algérienne ?
– Cette année marque le 80ᵉ anniversaire de la Victoire dans la Grande Guerre patriotique. L’Ambassade, en collaboration avec les compatriotes russes résidant en Algérie, a organisé plusieurs événements patriotiques désormais traditionnels : le Régiment immortel, le Jardin du souvenir, les Fenêtres de la Victoire, entre autres.
Les diplomates russes ont déposé des gerbes sur la tombe du soldat soviétique I. Ostapchenko, enterré au cimetière militaire de la capitale. Une réception solennelle a été organisée pour les compatriotes et les invités étrangers, accompagnée de la projection du film « Вlindage » dans un cinéma algérois. Les associations de compatriotes et l’école russe rattachée à l’Ambassade ont, elles aussi, célébré cette date à travers divers concerts festifs.
– Selon vous, quel rôle joue la mémoire historique dans le rapprochement entre les peuples russe et algérien ?
– La mémoire historique constitue, sans aucun doute, un élément fondamental de l’identité des peuples russe et algérien. Les Algériens ont une vive conscience de leur histoire. Le 8 mai est pour eux une date de commémoration, bien qu’elle ne soit pas directement liée à la Seconde Guerre mondiale.
En effet, il y a 80 ans, les autorités coloniales françaises ont perpétré des massacres dans les provinces de Sétif, Guelma et Kherrata. Malgré les tentatives de la France de tourner la page et d’effacer ces souvenirs, les Algériens honorent avec ferveur la mémoire des victimes de cette tragédie et du combat pour l’indépendance nationale. En cela, la mémoire historique est une composante essentielle du patrimoine culturel de nos deux nations.
– Quelle est la position de la Russie face à la crise actuelle entre l’Algérie et la France ?
– Comme tout pays respectueux de la souveraineté de ses partenaires, la Russie considère qu’il s’agit d’une affaire strictement bilatérale entre l’Algérie et la France. Les liens entre l’Algérie et son ancienne puissance coloniale sont complexes, marqués par des questions historiques douloureuses encore non résolues. Nous n’intervenons pas dans ces relations.
– La Russie peut-elle se positionner comme un « partenaire alternatif » pour l’Algérie en cas de refroidissement de ses relations avec Paris?
– Notre pays ne s’est jamais présenté comme un « partenaire alternatif » et ne propose jamais de coopérer avec lui au détriment d’un autre partenaire. Nous préconisons une coopération équitable et mutuellement avantageuse, fondée sur le respect et la considération des intérêts de chacun, ce qui n’exclut nullement le maintien de relations avec d’autres États.
– Quel impact pourrait avoir le conflit entre l’Algérie et les autorités de transition au Mali sur la sécurité régionale? La Russie peut-elle jouer un rôle de médiateur?
– Même s’il s’agit principalement d’un différend diplomatique, ce conflit risque de déstabiliser encore davantage la sécurité dans la région sahélo-saharienne. Nous constatons déjà une intensification de l’activité des groupes terroristes, ce qui pourrait aggraver la situation et déboucher sur une escalade militaire dangereuse.
La Russie et l’Algérie ont mis en place, en 2024, un groupe de travail commun sur le Mali et la région sahélo-saharienne. Des consultations bilatérales sont régulièrement organisées avec la participation des ministères des Affaires étrangères et des départements militaires des deux pays. Nous nous efforçons de transmettre les préoccupations de l’Algérie et du Mali à leurs dirigeants respectifs. Nous espérons qu’un règlement politique et diplomatique de cette grave crise pourra être trouvé grâce à nos efforts conjoints.
– Cher Alexeï Vladimirovitch, merci pour cette conversation intéressante!
Alexeï BOLSHAKOV, africaniste, journaliste international