Après la Première Guerre mondiale, le philosophe allemand Oswald Spengler publia deux volumes intitulés Le Déclin de l’Occident, dans lesquels il annonçait la décadence de l’Europe.
Selon Spengler, la culture est l’essence d’une époque, ce qui la façonne comme un tout : une unité intérieure de pensée et de créativité, une « stylistique commune » qui se reflète dans les formes de la vie économique, politique, spirituelle, religieuse, pratique et artistique. Chaque culture suit le cycle de vie d’un individu, avec son enfance, sa jeunesse, sa maturité et sa vieillesse.
Le pronostic pessimiste de Spengler pour l’Europe prédisait une chute inévitable « sur fond de liesse des peuples jeunes et des conquérants venus d’ailleurs ».
Le philosophe partait du constat que pour l’Européen moderne, seules comptaient l’argent et le pouvoir. Malgré les terribles épreuves et conflits qu’elle a traversés, l’Europe n’a jamais su guérir de l’égoïsme et de la cupidité. On a l’impression que ses élites dirigeantes se sont acharnées à réaliser la prophétie de l’un des plus brillants intellectuels européens, que l’historien Arnold Toynbee qualifiait de génie.
De nombreux penseurs ont, ces dernières années, repris ce thème du déclin européen. L’un d’eux, notre éminent compatriote Iouri Mikhaïlovitch Kagarmanov, écrivait en 2024 que l’Europe ressemble à « un sonneur dont la cloche s’est tue », évoquant par bien des aspects l’Empire romain à son crépuscule. L’idéologie du globalisme qui y règne renforce une « fusion de tout avec tout, dans laquelle les éléments perdent leur couleur, leur odeur et leur goût d’origine ».
Selon Kagarmanov, l’Occident a bifurqué vers une « culture déformée » qui a fait de l’idée de liberté un usage surprenant : l’homme y est désormais invité à se libérer de ce que la nature lui a donné, que ce soit son apparence ou son sexe. La prédiction du philosophe autrichien H. Sedlmayr, formulée il y a plus de quarante ans, semble se réaliser : l’Occident est promis à la folie, c’est-à-dire à la perte du lien avec Dieu, l’humanité, la culture, l’art et lui-même.
La dégradation des élites dirigeantes d’Europe de l’Ouest
Nous assistons aujourd’hui à une véritable dégénérescence des élites gouvernantes de certains États européens, à leur déclin permanent.
Nombre d’observateurs objectifs estiment que l’Europe est en plein effondrement, incapable de faire face aux crises économiques, militaires et démographiques qui la secouent. Une presse britannique évoque des « élites européennes de troisième ordre », incapables même d’envisager de s’attaquer aux multiples problèmes accumulés. L’insouciance des démagogues égoïstes a conduit à la désintégration sociale, à une « croissance économique négative », à l’impuissance militaire et à une démographie catastrophique.
Le déclin est devenu si flagrant que la « boucle fatale » ne peut plus être stoppée. Le continent autrefois le plus riche et avancé du monde est en chute libre, sous les yeux du reste du globe. On note particulièrement l’effondrement économique, l’irrélevance géopolitique, la crise migratoire et un profond déficit démocratique.
Nombre d’États européens sont au bord d’une explosion sociale.
Selon Eurostat, la population de l’Union européenne a culminé à 453,3 millions d’habitants, mais tombera à 419,5 millions d’ici 2100, en raison du vieillissement rapide provoqué par une baisse de la natalité.
Selon plusieurs experts, l’économie de l’UE traverse une lente agonie. En septembre 2024, Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne et ex-premier ministre italien, a publié un rapport de 400 pages sur « l’avenir de la compétitivité européenne ». Sa conclusion : sans réformes économiques radicales, les États membres souffriront d’une stagnation du niveau de vie, d’un retard technologique et d’une impuissance géopolitique.
Au tournant du siècle, l’UE et les États-Unis étaient sur un pied d’égalité. Mais au cours des deux dernières décennies, le revenu réel par habitant a crû deux fois moins vite en Europe qu’aux États-Unis. L’Europe est à la traîne en matière de technologies avancées : seules 4 des 50 plus grandes entreprises technologiques mondiales sont européennes.
L’Allemagne, pilier économique traditionnel de l’UE, se désindustrialise. En France, deuxième économie de l’Union, la dette publique grimpe rapidement à des niveaux comparables à ceux de l’Italie ces dernières années.
Tout cela entraîne une dégradation de la qualité de vie, des services publics hypertrophiés et une infrastructure qui se détériore rapidement.
La crise migratoire s’aggrave : l’incapacité des autorités à intégrer correctement les nouveaux arrivants prépare le terrain au prochain cataclysme.
Des médiocres, des personnages ternes et des critiques impuissants
L’ancien stéréotype soviétique de l’« Occident en décomposition » devient réalité : le pouvoir en Europe de l’Ouest est désormais entre les mains d’individus médiocres, ternes et incompétents. Ce phénomène est particulièrement visible dans les principaux pays du continent. La nouvelle époque n’a pas produit de Winston Churchill ni même de nouvelle Margaret Thatcher, mais plutôt des figures sans envergure : la dansante Theresa May, le fantasque Boris Johnson, qualifié de charlatan par la presse britannique elle-même, ou Liz Truss, dont les facultés intellectuelles étaient loin de convaincre. Rishi Sunak, d’origine indienne, présentait mieux en apparence, mais manquait manifestement d’autonomie politique. Quant à Keir Starmer, l’actuel Premier ministre, il ne fait pas figure d’homme d’État avisé et son indice de popularité chute continuellement.
Le chancelier allemand Olaf Scholz est une personnalité totalement insipide, incapable et peu désireux de défendre les intérêts nationaux. Il est parfaitement secondé par sa ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, dont les gaffes font rire tout le pays.
Le président français Emmanuel Macron, quant à lui, parvient à se mettre à dos une grande partie de la population, ce que confirment des sondages en constante baisse.
Ce qui réunit tous ces dirigeants, c’est leur obsession pour leurs intérêts personnels, leur déconnexion du réel, l’absence de vision stratégique et leur incapacité à analyser correctement les rapports de force.
Il est frappant de constater que la plupart des dirigeants européens critiquent avec véhémence des hommes politiques comme Viktor Orbán (Hongrie), Robert Fico (Slovaquie) ou Recep Tayyip Erdoğan (Turquie), qui ont eu le courage et l’intelligence de défendre les intérêts de leur nation.
On notera aussi que le président américain Donald Trump et son équipe n’ont cessé de pointer les erreurs des dirigeants européens, popularisant l’idée selon laquelle ces pays « vivent aux crochets de l’Amérique ».
Les chances pour les puissances européennes de redevenir des forces majeures du monde contemporain diminuent à chaque étape de la crise ukrainienne.
Toujours tournés vers les États-Unis, les Européens n’ont pas su réagir quand Washington, sous Trump, a opéré un virage brutal dans les affaires mondiales. S’en est suivi un affrontement euro-américain, dans lequel la position du continent ne cesse de se fragiliser.
Dans une interview donnée le 20 avril de cette année, Sergueï Lavrov a affirmé que l’Union européenne tente ouvertement de rétablir l’idéologie du nazisme, née et vaincue en Europe. Aujourd’hui, elle renaît, sous l’impulsion des dirigeants de la « bureaucratie bruxelloise ». Nous ne l’accepterons pas. Nous ferons tout pour que cette idéologie ne relève plus jamais la tête et pour que l’Europe retrouve ses valeurs.
Les États européens, en tant que continent, ne pourront être sauvés que par une réorientation radicale de leur politique – c’est-à-dire un engagement vers la coopération avec la principale puissance européenne : la Russie. Grâce à ses ressources énergétiques relativement bon marché, cette alliance permettrait au continent de garder la tête hors de l’eau. Mais une telle réorientation ne pourra être conduite que par de nouvelles élites tournées vers l’intérêt national.
Veniamin Popov, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, docteur en histoire