12.11.2023 Auteur: Vladimir Mashin

Les États-Unis sont les grands responsables de la tragédie actuelle au Moyen-Orient

Les États-Unis ont récemment monopolisé les efforts de médiation dans le règlement du conflit au Moyen-Orient, mettant à l’écart les autres acteurs. En substance, Washington a fait le choix de marginaliser le problème palestinien, et il faut reconnaître qu’il a obtenu certains résultats. La normalisation des relations d’Israël avec plusieurs États arabes (les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc) a essentiellement été obtenue grâce à l’activisme de l’administration Trump, donnant ainsi l’impression que la résolution de la question palestinienne était devenue un objectif secondaire.

Selon le journal anglais « The Economist », Joe Biden «a passé les trois premières années de sa présidence à essayer d’ignorer le conflit. Il aura d’autres chats à fouetter en 2024, et ni les Israéliens ni les Palestiniens ne sont susceptibles d’entamer un processus de paix avec un président qui pourrait bientôt être mis à la porte».

L’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre a replacé la question palestinienne à la une des journaux et des écrans de télévision.

Il faut noter que les relations entre le gouvernement israélien actuel et l’administration Biden ont été très tendues au cours des mois précédant le 7 octobre en raison de désaccords sur la réforme judiciaire qui ont créé une fracture sans précédent dans la société israélienne. Ces tensions sont aussi dues à la politique annoncée par la coalition au pouvoir de contrôler Israël en Cisjordanie. Cette situation a eu un impact négatif sur les relations d’Israël avec l’administration américaine et a retardé la rencontre entre le président Biden et le premier ministre Netanyahu jusqu’à ce qu’ils se rencontrent en marge de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.

Cette désunion en Israël a pour le moins contribué à ternir la perception régionale du pays, à affaiblir sa position et à contribuer à la décision du Hamas de lancer sa mission du 7 octobre.

La presse américaine a souligné que la volonté controversée du gouvernement de réformer le système judiciaire a contribué à saper la sécurité nationale d’Israël, mais la guerre actuelle à Gaza risque de faire disparaître définitivement cette question de l’agenda. «L’armée israélienne n’est pas équipée culturellement ou tactiquement pour faire face à une occupation militaire à long terme de la bande de Gaza», notait l’autre jour le magazine « Foreign Affairs ». Israël a par conséquent besoin de savoir clairement sur lesquels de ses alliés il peut compter pour obtenir un soutien. Les États-Unis auront un rôle déterminant, mais aussi les États arabes avec lesquels Israël a signé des accords de paix et normalisé ses relations. Israël doit réfléchir à la façon de travailler avec les Nations unies et l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas. La majorité des Israéliens se moquent des Nations unies en raison de leur parti pris anti-israélien. Néanmoins, il s’agit peut-être de la seule organisation mondiale disposant des connaissances et de l’autorité nécessaires pour mener des actions efficaces de stabilisation post-conflit dans la bande de Gaza. Aucun plan pour «l’après-demain» à Gaza ne peut exclure cette possibilité.

À cet effet, il convient de noter que « Politico » a récemment noté que les auteurs de l’impréparation d’Israël à repousser l’attaque du Hamas, y compris le premier ministre et les membres de son cabinet, sont susceptibles de démissionner. La presse occidentale publie des analyses sur le fait qu’Israël, en raison de ses capacités relativement limitées, ne peut pas se permettre une guerre de longue durée.

En outre, le vaste mouvement mondial de solidarité avec les palestiniens, ainsi que les images d’horribles destructions dans la bande de Gaza à cause des frappes de l’armée israélienne ainsi que le nombre croissant de morts et de blessés parmi les habitants de Gaza, en particulier les enfants, font également impression sur l’opinion publique américaine. Des appels plus vigoureux sont lancés, même au sein du Congrès américain, pour que l’on renonce à l’unilatéralisme dans les affaires du Proche-Orient.

Dans les pays du Sud Global, la position des États-Unis est fortement critiquée : on fait valoir que dans le conflit en Ukraine, Washington a constamment parlé de la composante humanitaire du processus, et en ce qui concerne Gaza, les Américains ne veulent vraisemblablement pas remarquer l’assassinat de milliers d’enfants palestiniens. Le président turc Erdogan a déclaré que l’Occident versait des «larmes de crocodile» sur les victimes en Ukraine et ignorait le véritable génocide du peuple palestinien.

L’hebdomadaire égyptien « Al-Ahram Weekly » a écrit le 2 novembre 2023 : «Les alliés occidentaux d’Israël se sont révélés être de véritables rémanences de leur passé impérial et sont dirigés par des gouvernements compromis qui s’accrochent au pouvoir par la tromperie, le bellicisme et la corruption. Ces pays ont activement soutenu Israël dans ses violences contre la Palestine au cours des cinq dernières décennies, leurs mains sont tachées de sang, y compris celui de jeunes enfants… Cela représente un effondrement du système politique occidental, qui est censé être basé sur les principes de la démocratie».

Le site web de la chaîne « Al Jazeera » a souligné le 3 novembre que la plupart des institutions d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale participent activement à ce génocide ou gardent le silence, constituant ainsi une complicité.

Comme l’a récemment fait remarquer le journaliste Ray Hanania, les médias américains montrent rarement des images de femmes et d’enfants palestiniens tués ou retirés des décombres de bâtiments détruits. Mais celles-ci sont bien réelles. On les retrouve sur les réseaux sociaux. Quand les Américains verront la vérité, leur attitude à l’égard des crimes de guerre d’Israël à Gaza changera, tout comme ils l’ont fait lorsqu’ils ont vu la lumière sur les crimes de guerre au Viêt Nam.

Aujourd’hui, des voix s’élèvent dans le monde entier pour mettre un terme à l’offensive militaire d’Israël et aux massacres de femmes, d’enfants et de personnes âgées palestiniens.

De nombreuses personnes mettent en garde contre la menace réelle d’une aggravation du conflit et de l’implication de nouveaux pays et de nouveaux acteurs.

Un sommet arabe d’urgence se réunira à Riyad le 11 novembre pour discuter des moyens permettant de mettre fin à la violence dans la bande de Gaza.

En Occident, de nombreux citoyens s’opposent à la politique de soutien unilatéral des cercles dirigeants à destination d’Israël. Les revendications concernant l’arrêt des opérations militaires et la fourniture d’une aide humanitaire à la population de Gaza se font de plus en plus pressantes.

 

Vladimir Mashine, candidat en histoire, commentateur politique, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook  ».

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