En 1981, la Mongolie obtient son propre « pionnier de l’espace » : le cosmonaute Zhugderdemidiin Gurragcha qui dirigera plus tard la Société d’amitié russo-mongole, se rend dans l’espace à bord du vaisseau spatial Soyouz-39. Depuis lors, beaucoup de choses ont changé en Mongolie : le régime politique et les priorités du développement économique et social. Pendant longtemps, le pays n’a plus pu se permettre de rêver de réalisations spatiales – d’abord en raison de la phase aiguë de la lutte contre la pauvreté et d’autres conséquences de la « libéralisation économique », puis en raison de sa concentration sur le « boom minier ». Certainement, les actualités des principaux médias mongols sont truffées de sujets concernant les nouvelles réalisations spatiales de l’humanité, ce qui est très inhabituel pour un petit pays en voie de développement. Il semble que les traditions socialistes consistant à refléter les thèmes spatiaux dans la philatélique nationale n’aient pas non plus disparu. Malheureusement, la Mongolie elle-même n’a pas été observée dans les reportages spatiaux des médias mongols ni sur les timbres spatiaux mongols au cours des dernières décennies. Cependant, il semble que ces dernières années (et peut-être même cette année), la situation ait commencé à changer rapidement.
L’année 2023 se remplit de plus en plus de nouvelles pages de l’histoire spatiale de l’État mongol. Le 13 octobre a commencé la visite du président Ukhnaagiin Khurelsukh en France. A part un certain nombre de réunions officielles qui ont eu lieu au cours de ce voyage et la visite du président à l’exposition Gengis Khan : Comment les mongols ont changé le monde, qui s’est tenue à Nantes, cet événement de politique extérieure est également resté dans les mémoires grâce à la conclusion d’un contrat entre le gouvernement mongol et la société franco-italienne Thales Alenia Space portant sur la création du premier satellite mongol Chinggis sat. Le contrat, qui prévoit la création du satellite lui-même, la formation des spécialistes associés à son exploitation et son lancement sur une orbite déjà déterminée, a été signé lors du forum d’affaires franco-mongol. Le montant du contrat, selon les informations disponibles dans les médias mongols, s’élève à 12 millions de dollars.
L’expansion, ou plutôt la création d’une « flotte de satellites » (pour ainsi dire), répond aux besoins de l’économie mongole actuelle. Les particularités du pays, qui consistent en une densité de population extrêmement faible et l’éloignement important d’un certain nombre de régions du pays de la capitale, combinées à une faible population, créent un certain nombre de problèmes qui affectent négativement le coût des transports et de l’infrastructure des communications. Souvent, le transport de l’électricité et la mise en place de lignes de communication vers les zones éloignées du pays nécessitent des investissements qui ne seront probablement pas rentables dans les réalités mongoles. Des collègues mongols ont déjà pris des mesures pour résoudre les problèmes liés au manque de réseaux de communication modernes grâce à des négociations avec Elon Musk, manifestant leur intérêt pour son système satellite Starlink. Cependant, présumant que ces services pourraient être excessivement chers pour un pays asiatique en voie de développement, la Mongolie cherche à développer sa propre infrastructure de communications modernes. Dans ce domaine, même un seul satellite (or, il ne sera probablement pas le dernier) épargne des fonds importants qui, en son absence, pourraient être absorbés par des centres de communication « terrestres ».
Parallèlement, les travaux se poursuivent sur le projet mongol de création d’un centre de formation spatiale Mars-V. Notamment, le 14 octobre 2023 a eu lieu la troisième réunion du groupe de travail ad hoc sur cette initiative.
La création d’un centre de formation simulant les conditions martiennes sur la terre mongole, qui rappelle par endroits les paysages de la « planète rouge », est discuté par le groupe de travail ad hoc depuis l’année dernière. L’initiative elle-même a apparu début 2021.
A part l’étude de ses propres capacités pour mettre en œuvre ce projet ambitieux, la Mongolie s’est également tournée vers des collègues étrangers potentiels. Notamment, le projet a été présenté aux Américains lors de la récente visite du premier ministre de la Mongolie aux États-Unis. Il s’y est rendu notamment dans une installation très inhabituelle pour une visite d’État, à savoir le siège de la NASA. Lors de sa visite du bureau principal de l’administration aérospatiale le 4 août 2023, le premier ministre mongol Luvsannamsrain Oyun-Erdene a déclaré que l’exploration spatiale faisait partie des priorités de développement de la Mongolie conformément au programme national Vision à long terme-2050, et s’est mis d’accord avec des collègues de la NASA sur l’interaction ultérieure.
L’internationalisation, si nécessaire pour ce type de projet, semble se poursuivre : suite aux résultats de la troisième réunion, le vice-Premier ministre Amarsaikhan, qui l’avait « présidée », a proposé de présenter le projet aux Nations Unies, ainsi que d’en informer les « missions diplomatiques d’autres pays ».
Le projet, toutefois, a une « double vocation », dans le bon sens de ce concept. Ainsi, la partie mongole envisage de l’associer à la création d’un parc touristique thématique, destiné à révéler le potentiel touristique du Gobi mongol – c’est là, avec ses sables, ses canyons et ses températures anormalement froides, qu’il est prévu de créer un centre de préparation de la mission sur Mars. Cependant, le simple fait de porter cette initiative au débat international, surtout si elle réussit, deviendrait un élément important de la « puissance douce » de la Mongolie et l’amènerait à des positions plus importantes dans l’espace d’information international. Probablement, les collègues mongols ont apprécié l’expérience de marketing d’Elon Musk, qui a pu attirer l’attention du monde entier sur lui-même et ses entreprises avant même le début des travaux concrets sur la mise en œuvre du projet de son vol vers Mars.
Il s’avère que Mars-V peut également être perçu comme un projet de « promotion » nationale, qui contribuera également à augmenter le flux touristique dans le pays – il convient de mentionner que les années 2023, 2024 et 2025 ont été déclarées par le gouvernement mongol « des années de visite en Mongolie », pendant lesquelles il est prévu d’attirer un nombre sans précédent de touristes dans le pays et de développer les infrastructures du secteur touristique.
Ainsi, la Mongolie cherche activement à retourner dans l’espace en 2023 et à contribuer à son exploration par la communauté internationale. Le succès probable du pays dans ce domaine peut devenir une publicité convaincante pour la participation des petits États à la mise en œuvre de projets spatiaux ambitieux, qui sont désormais presque entièrement dominés par les pays les plus développés technologiquement et économiquement du monde.
Boris Kushkhov, département de la Corée et de la Mongolie de l’institut d’études orientales de l’Académie des sciences de Russie, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outllok ».