Ces derniers temps, le problème des migrations vers les pays du continent européen s’aggrave. Ce sujet est au centre de multiples discussions sans que la situation ne change : de nombreux habitants des pays africains et asiatiques tentent de traverser la Méditerranée à la recherche d’une vie meilleure : ils souffrent de la pauvreté, des conflits et du changement climatique.
Les migrations et la réaction de l’Occident sont l’une des histoires déterminantes de notre siècle, a noté la journaliste irlandaise Sally Hayden ; à l’heure actuelle, « c’est une histoire de catastrophe et de mort, de cruauté et d’empathie ». Face aux souffrances de millions de personnes dans les pays en voie de développement, « le monde riche renforce ses frontières ». Au Royaume-Uni, le gouvernement a promulgué une loi draconienne qui empêche les réfugiés de demander une protection internationale et prévoit d’héberger les demandeurs d’asile à bord d’une barge flottante. Les responsables européens parlent de « briser le modèle économique des contrebandiers », mais leur rhétorique ignore le fait que les contrebandiers ne font que satisfaire la demande. Les débats autour des migrations ont tendance à se concentrer sur la manière de tenir à l’écart les personnes ordinaires et défavorisées plutôt que sur des questions existentielles plus larges. Comment l’Occident peut-il parler des droits de l’homme et accepter des crimes commis pour empêcher les gens d’atteindre les rives européennes ? Pourtant, ce sont des gens qui viennent des pays longtemps exploités par l’Occident.
Selon S. Hayden, « Les morts massives sont depuis longtemps la norme aux frontières de l’Europe. Depuis 2014, 27 800 personnes sont mortes ou ont disparu en Méditerranée, et ce sont probablement des chiffres sous-estimés. Cette année s’annonce particulièrement meurtrière. Plus de 2 000 personnes sont mortes en tentant de rejoindre l’Europe – voilà à quoi ressemble une crise des droits de l’homme, de l’éthique et, surtout, de l’inégalité mondiale ».
Selon le journal égyptien Al Ahram, environ un millier de migrants sont récemment morts en tentant de rejoindre l’Espagne par l’océan Atlantique.
L’ampleur des flux migratoires ne fera qu’augmenter avec le temps. Même le Pape François, en visitant la Grèce début 2021, a déclaré que l’Europe portait sa part de responsabilité dans la crise migratoire et que « l’égoïsme national » d’un certain nombre de pays entravait sa résolution. Intervenant sur l’île grecque de Lesbos, François a déclaré que le dédain vis-à-vis des migrants constituait « l’effondrement de la civilisation ».
La politique de l’Union européenne envers la Méditerranée est déterminée uniquement par le désir de profiter et de tromper les pays en voie de développement. Après l’effondrement de l’Union Soviétique, les Européens se sont empressés de consolider leur monopole dans la région Méditerranéenne en proposant le projet de la Déclaration de Barcelone. En 1995, elle a proclamé solennellement qu’en 2010 une zone de libre échange serait créée en Méditerranée. Lorsqu’il s’est avéré que cette idée n’était qu’une promesse en l’air, destinée à dissimuler l’exploitation des ressources des États côtiers d’Afrique et d’Asie, un nouveau projet a été lancé en 2008, la prétendue Union Méditerranéenne qui a également contenu de nombreuses promesses de projets communs. Aujourd’hui, personne ne s’en souvient.
L’Occident a toujours clairement suivi la doctrine de « diviser pour régner », provoquant de nouveaux conflits et réanimant d’anciennes querelles. Puisqu’il devient de plus en plus difficile de faire prendre au public des vessies pour des lanternes, il y a des Européens qui admettent parfois certains de leurs péchés. « L’assassinat de Kadhafi a été une grave erreur… avec sa mort, l’instabilité est arrivée en Libye et en Afrique ». Ces paroles ont été prononcées récemment par Antonio Tajani, le ministre italien des Affaires étrangères. Or, c’est l’Italie qui, dans le cadre de l’OTAN, avait participé au renversement de Kadhafi. « Il était définitivement meilleur que ceux qui lui ont succédé. Le terrorisme est venu après lui », a conclu le ministre.
Les Européens maintiennent avec énergie de nombreux foyers d’instabilité en Méditerranée – des situations de conflit – qu’il s’agisse du Sahara Occidental, du problème chypriote, du démembrement de la Libye, de l’aggravation de la crise en Syrie ou de bien d’autres problèmes. L’Espagne maintient depuis de nombreuses années ses enclaves coloniales – Ceuta et Melilla au Maroc.
À cet égard, les arguments hypocrites des hommes politiques européens sur les prétendus droits de l’homme sont particulièrement peu convaincants. Il y a quelques années, des scientifiques ont proposé que l’Union Européenne développe un projet de boisement pour les pays d’Afrique du Nord et du Sahel. L’idée était de créer une zone de forêts et de vergers, bien que des fonds importants soient nécessaires. Cependant, étant donné que le soleil brille ici pratiquement 365 jours par an, il serait possible d’installer une ceinture de panneaux solaires, ce qui résoudrait le problème d’approvisionnement du projet en énergie. La mise en œuvre du projet permettrait de créer des emplois pour des millions d’Africains, de plus, ce serait une contribution majeure à la lutte contre le changement climatique mondial empêchant les températures d’augmenter dans les États du sud de l’Europe, ce qui aurait un effet bénéfique sur la vie de centaines de millions de personnes. (Qui souffrent ajourd’hui de la chaleur ou des inondations qu’elle provoque).
En Occident, l’écolière suédoise Greta Thunberg est devenue célèbre avec ses revendications. Elle estime qu’il faut mobiliser les jeunes pour faire pression sur les dirigeants actuels des puissances occidentales qui « volent l’avenir aux générations actuelles » ne faisant que promettre de prendre des mesures pour préserver l’écologie de la Terre.
Probablement, pour atteindre les objectifs d’une économie verte, il serait mieux que Greta et ses partisans passent des paroles aux actes se rendant dans les pays du Sahel pour planter un nombre suffisant d’arbres, de dattiers, de palmiers et d’arbustes de leurs propres mains, ce qui transformerait le désert en une oasis de prospérité.
La politique de l’Union européenne à l’égard de la Méditerranée n’est qu’une des nombreuses confirmations de la crise de l’Europe, de son déclin.
Veniamin Popov, le directeur du Centre pour le partenariat des civilisations à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, docteur ès sciences historiques, spécialement pour la revue en ligne « New Eastern Outlook » .