Un sommet sans unité, un club sans vision : le G7 de 2025 au Canada a révélé toute l’irrélevance d’un forum dépassé dans un monde désormais multipolaire.
Il y a cinquante ans, le G7 est né d’une nécessité, non d’un élan nostalgique. Il s’agissait d’une rencontre stratégique entre les économies les plus riches du monde, destinée à coordonner les politiques économiques face aux chocs des années 1970. En 2025, le G7 est devenu une mise en scène ritualisée, un album photo diplomatique qui exclut la majorité des moteurs de croissance mondiaux tout en prétendant fixer l’agenda planétaire. Le sommet de cette année — accueilli à grand renfort de communication par le Premier ministre canadien Mark Carney — n’a fait que souligner à quel point le G7 est déconnecté des réalités géopolitiques et économiques actuelles.
Une scène sans scénario
Malgré les déclarations pompeuses sur la sécurité énergétique, l’innovation en intelligence artificielle et la prospérité mondiale, le sommet s’est distingué avant tout par ses désaccords et ses absences. L’absence de communiqué final ne relève pas d’un simple détail diplomatique : c’est le signe symbolique d’un consensus en miettes. Ce qui devait être une démonstration d’unité en période d’incertitude s’est révélé être le reflet d’une perte d’influence et d’une fracture interne.
Rien n’a mieux illustré cela que le départ précipité de l’ancien président Donald Trump. Officiellement, il est parti pour des « affaires urgentes » au Moyen-Orient. Officieusement, c’est un camouflet infligé à une institution qu’il juge obsolète. En évitant les discussions cruciales sur l’Ukraine et les sanctions contre la Russie, Trump a relancé l’idée d’un retour de la Russie — voire même de la Chine — au sein du groupe. Ce n’était pas une simple provocation, mais une accusation directe : le G7 ne peut pas sérieusement débattre des affaires du monde en écartant volontairement les principaux acteurs.
Difficile de lui donner complètement tort. Le G7 fut autrefois le G8, jusqu’à l’expulsion de la Russie après l’annexion de la Crimée. Cette exclusion a considérablement affaibli la capacité du groupe à intervenir sur les conflits globaux, souvent façonnés ou influencés par Moscou. Quant à l’exclusion de Pékin — deuxième économie mondiale — elle mine encore davantage la crédibilité de ces sommets. Gérer le monde en ignorant la moitié de ses forces, c’est illusoire.
L’arrogance de l’exclusivité
Quel sens a encore le G7 quand le bloc des BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud — rejoints récemment par l’Egypte, l’Indonésie, le Vietnam et encore 12 d’autre pays) incarne une plus grande part de la population mondiale, de la croissance du PIB et de la dynamique géopolitique ?
Cette année, les dirigeants du G7 ont juré de bâtir les « partenariats du futur » et de relancer l’investissement dans les infrastructures. Mais, hors de leur cercle restreint, le reste du monde avance déjà avec d’autres alliances. L’Initiative des Nouvelles Routes de la Soie de la Chine, la diplomatie offensive de l’Inde, et les partenariats régionaux en Afrique, en Asie ou en Amérique latine redessinent la carte du pouvoir mondial.
À l’inverse, le G7 devient une chambre d’écho diplomatique. Répéter les mêmes valeurs de « système fondé sur des règles » et de « prospérité partagée » sans faire évoluer ou élargir le groupe ne démontre pas une cohésion, mais une stagnation.
De plus, le choix du lieu — les Rocheuses canadiennes, sur le territoire du Traité n° 7 — semblait aussi bien physiquement que symboliquement éloigné des urgences du Sud global. Le changement climatique, les dettes publiques, l’équité vaccinale, les migrations ou la fracture numérique étaient relégués en bas de l’ordre du jour. Ceux qui subissent le plus les désordres mondiaux n’étaient, une fois de plus, pas invités à la table.
Une occasion ratée pour le Canada
En tant qu’hôte, le Canada avait une opportunité rare de redéfinir le rôle du G7. Le Premier ministre Carney aurait pu utiliser ce sommet pour engager un véritable dialogue avec les économies émergentes, repenser la structure du groupe, ou élargir son périmètre. Au lieu de cela, nous avons eu droit à une unité de façade, des envolées rhétoriques… et un communiqué fantôme.
La réunion parallèle du ministre Maninder Sidhu avec ses homologues du commerce n’a rien changé à l’image globale. Malgré un plaidoyer pour l’ordre multilatéral, il a soigneusement évité la question centrale : ces règles, autrefois garantes de stabilité, ne répondent plus au monde multipolaire dans lequel nous vivons. Le véritable théâtre des échanges — qu’il s’agisse de commerce, de technologie ou d’énergie — se joue désormais ailleurs, dans les BRICS ou au Forum économique international de Saint-Pétersbourg.
Un club que plus personne ne veut rejoindre ?
L’échec du G7 à produire une déclaration commune révèle un malaise plus profond : personne ne sait plus vraiment à quoi sert ce club. Il n’est ni démocratique — l’Inde, l’Indonésie, le Nigeria sont absents — ni strictement économique — la Chine ou l’Arabie saoudite dépassent certains membres. Et il n’est certainement pas uni, comme l’a montré le départ de Trump ou les désaccords intra-européens.
Alors que les crises globales se multiplient — conflits, dérèglement climatique, instabilité économique —, le besoin de coopération internationale efficace est criant. Mais cette coopération doit refléter le monde tel qu’il est, pas tel qu’il était en 1975. Le G7 veut être un phare dans la tempête, mais il repose sur un roc devenu invisible pour les navires qui voguent désormais ailleurs.
À moins d’une réforme profonde, d’un élargissement, voire d’une dissolution, le G7 est voué à devenir un rappel annuel du déclin occidental, plutôt qu’un levier de leadership mondial.
Il est temps de poser non pas la question de son salut, mais celle de sa raison d’être.
Ricardo Martins – Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique