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Les évaluations contradictoires de Trump 

Veniamin Popov, 20 mai 2025

Les premiers 100 jours du 47 président des États-Unis ont secoué non seulement l’Amérique, mais aussi le monde entier, avec des évaluations de sa politique variant considérablement. 
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D’un côté, il a été la cible de critiques virulentes et d’accusations d’avoir causé d’énormes dommages ; de l’autre, il a reçu des éloges positifs extravagants, certains affirmant même que « Trump a sauvé l’Amérique ».

Les partisans du Parti démocrate n’ont pas réussi à se remettre de leur défaite et n’ont pas pu proposer un programme alternatif constructif. Leurs attaques se sont résumées à accuser les républicains d’agir contre les intérêts de l’Amérique.

L’une des réussites incontestables de Trump est sa volonté de normaliser les relations avec la Russie et de parvenir à un règlement politique du conflit ukrainien

Un exemple frappant de cette approche est l’éditorial du New York Times du 1ᵉʳ mai, qui affirme que les premières actions de Trump « ont causé plus de tort à la démocratie américaine que tout autre événement depuis l’échec de la Reconstruction (après la guerre civile du milieu du XIXᵉ siècle) », ajoutant que sa présidence risque d’infliger encore plus de dégâts durant le reste de son mandat.

La « dangereuse dictature » de l’administration Washington 

Ces évaluations rejoignent en partie l’analyse publiée le 7 mai par le journal égyptien Al-Ahram: l’économie américaine stagne, les marchés commerciaux se ferment, les investissements sont gelés, les emplois disparaissent et les prix flambent. Trump affiche le plus faible taux d’approbation pour un président lors de ses 100 premiers jours, et plus de la moitié des Américains qualifient son administration de « dangereuse dictature ».

L’opinion publique s’est alarmée non seulement des coupes budgétaires irréfléchies et illégales du Département de l’efficacité gouvernementale, menées par le milliardaire Elon Musk, mais aussi des attaques contre l’éducation, les cabinets juridiques, les entreprises des opposants politiques, les médias et les institutions culturelles.

Sur la scène internationale, l’impact est tout aussi traumatisant. Trump a démantelé avec agressivité l’ordre mondial que Washington lui-même avait créé pour minimiser les conflits entre grandes puissances et profiter de l’intégration économique mondiale. Il a affaibli le « soft power » américain, son influence diplomatique, annulé des accords commerciaux de longue date et pris ses distances avec de nombreux engagements internationaux. Il a formulé des revendications absurdes envers le Canada, le Groenland, le canal de Panama et Gaza, imposé des tarifs douaniers massifs, offensant ainsi alliés et adversaires. 

L’Occident uni n’existe plus ?

Le 10 janvier, le journal londonien Sharq al-Awsat a affirmé que Trump et Musk partageaient une mégalomanie démesurée. Les médias ont dépeint Trump comme un menteur pathologique et un personnage immoral, tandis que Musk était présenté comme une figure imprévisible souffrant de toxicomanie.

Les élites d’Europe occidentale peinent encore à digérer le revirement de l’administration américaine concernant les relations avec la Russie et le conflit en Ukraine. Elles constatent une fracture au sein de la communauté euro-atlantique, certains concluant que l’Occident uni n’existe plus.

De nombreux analystes reprochent à Trump d’avoir déclenché des guerres commerciales. The Economist du 1ᵉʳ mai souligne que le protectionnisme et la fermeture des marchés n’ont jamais mené à rien de bon. Il cite l’exemple de la dynastie Song en Chine (960-1279), où la primauté du droit et des règles prévisibles avait permis un essor économique remarquable. Puis, après l’invasion mongole, la Chine s’est repliée sur elle-même.

Les Américains aiment se comparer à la Rome antique, qui s’est renforcée en forgeant des alliances et en intégrant les peuples conquis. À son apogée, l’Empire romain était gouverné par un système juridique unifié, avec des marchés relativement libres et un vaste réseau routier. L’historien suédois Johan Norberg, dans son livre *Le Progrès* (publié avant la réélection de Trump), rappelle ces exemples.

Les évaluations positives de Trump se multiplient 

Le journal Arab News du 11 mai souligne que l’administration Trump a peut-être sauvé les États-Unis, et par extension le monde occidental, d’une chute dans l’abîme, en opérant des ajustements radicaux pour stabiliser l’avenir du pays. Les gouvernements précédents avaient pris des décisions contraires aux intérêts fondamentaux de l’Amérique, souvent sous l’influence de programmes d’extrême gauche globalistes méprisant « l’histoire, le comportement et l’identité de leur propre pays ».

L’article dénonce une politique de mécontentement généralisé, une guerre totale contre les valeurs familiales, la foi et le bon sens – une version radicale du postmodernisme qu’on pourrait appeler « l’ère post-bon sens ».

Trump veut des changements immédiats, pas des décennies de réformes timides. Beaucoup, en Amérique et ailleurs, lui attribuent une véritable révolution du bon sens, marquée par le rejet du transgenrisme, du mariage homosexuel, etc.

Le Figaro, début mai, a salué la publication d’un livre marquant un tournant dans la bataille culturelle entre défenseurs et opposants des valeurs familiales, affirmant, comme Trump, qu’il n’existe que deux sexes – masculin et féminin – et dénonçant « l’obscurantisme ». Ce livre a été critiqué par la nouvelle gauche, qui accuse ses auteurs de « trumpisme » et de « poutinisme ».  Le vice-président J.D. Vance, dans ses discours, vante les réalisations de Trump comme un retour historique à la normalité.

Lors d’un discours en Arabie saoudite le 13 mai, Trump a exposé sa vision de l’ordre mondial, critiquant les « interventionnistes » qui ont imposé des politiques destructrices : « Les prétendus bâtisseurs de nations ont détruit bien plus qu’ils n’ont construit. » Il a souligné que le Moyen-Orient moderne a été façonné par ses habitants, suivant leurs propres visions. Ce discours rappelle, par certains aspects, l’appel du premier gouvernement soviétique aux pays en développement à construire leurs sociétés selon leur propre modèle.

L’une des réussites incontestables de Trump est sa volonté de normaliser les relations avec la Russie et de parvenir à un règlement politique du conflit ukrainien.

Il est clair que l’arrivée au pouvoir de Trump a marqué un tournant en politique mondiale. Bien que toutes ses actions ne soient pas positives, une chose est certaine : il a changé le cours de l’histoire et y a assuré sa place.

 

Veniamin Popov, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, docteur en histoire

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