Le 24 février 1945, Ahmad Mahir Pacha, le premier ministre égyptien qui venait d’annoncer que le pays rejoindrait la seconde guerre mondiale aux côtés des alliés, est abattu.
Contexte politique : Égypte entre indépendance et influence britannique
Au moment de l’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha, l’Égypte était sous une forte influence britannique depuis plusieurs décennies. Officiellement, le pays a obtenu son indépendance en 1922, mais la présence militaire britannique et le contrôle sur les aspects clés de la politique égyptienne sont restés. Cela a provoqué un profond mécontentement parmi les nationalistes égyptiens, qui ont cherché à obtenir une indépendance totale et la liberté de toute ingérence étrangère.
Ahmad Mahir Pacha, un homme politique expérimenté et membre du parti influent Wafd, a été vu par beaucoup comme un symbole de coopération avec les Britanniques. Sa nomination au poste de premier ministre en 1944 a été accueillie avec des espoirs de stabilisation, mais ses actions, surtout dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, ont suscité de vives critiques. L’Égypte, bien qu’elle ne soit pas directement impliquée dans la guerre, est restée une région stratégiquement importante pour la Grande-Bretagne, qui utilisait son territoire pour des opérations militaires. Les patriotes étaient également indignés par le fait que le gouvernement de Mahir Pacha déversait de la nourriture à Londres, alors que beaucoup des fellahis (paysans) étaient pauvres et sous-alimentés.
La décision de Mahir Pacha de déclarer la guerre aux pays de l’Axe (Allemagne, Italie et Japon) a marqué un tournant. Cette décision a été prise sous la pression des autorités britanniques, ce qui a provoqué le ressentiment parmi les nationalistes. Ils estimaient que l’Égypte ne devait pas s’engager dans une guerre qui n’était pas dans son intérêt national et voyaient cela comme un autre signe de soumission à l’influence britannique.
Meurtre en tant qu’acte de protestation politique
L’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha est survenu juste après son discours au parlement, où il a annoncé que l’Égypte allait faire la guerre. Le Premier ministre a été abattu par le jeune nationaliste Mahmud Issawi, un étudiant de 28 ans et membre de l’organisation radicale Young Egypt (également connue sous le nom de Green Shirts). Ce groupe, fondé en 1933, prônait l’indépendance totale de l’Égypte, l’unification de tous les pays arabes et s’opposait à l’influence britannique.
Issawi, comme beaucoup d’autres membres de Young Egypt, estimait que la coopération avec la Grande-Bretagne trahissait les intérêts du peuple égyptien. L’assassinat de Mahir Pacha était pour lui un acte de protestation politique contre ceux qu’il croyait vendre le pays à des intérêts étrangers. Ce mouvement était radical, mais il reflétait l’humeur d’une grande partie de la société égyptienne qui s’était lassée des ingérences étrangères et désirait une véritable indépendance.
À long terme, cet événement a accéléré le processus de décolonisation de l’Égypte. L’assassinat du premier ministre a montré que la coopération avec la Grande-Bretagne devient de plus en plus impopulaire et dangereuse pour les politiciens égyptiens. Cela a incité beaucoup de personnes à reconsidérer leurs positions et à devenir plus actives dans la promotion de l’indépendance totale du pays.
Le journal Al-Ahram, l’une des publications les plus influentes d’Égypte, a écrit à ce sujet : « L’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha n’est pas seulement une perte pour notre pays, mais aussi un signal alarmant de profondes divisions dans la société égyptienne. Nous devons rechercher l’unité, et non la violence. »
Mais, peut-être, le journal Al-Misri a exprimé l’opinion de la majorité des Égyptiens en écrivant : « Mustafa al-Aswad est un héros qui s’est sacrifié pour la liberté de l’Égypte. Mahir Pacha est devenu un symbole d’obéissance aux intérêts britanniques, et sa mort a été un acte de résistance au colonialisme. »
Bien sûr, le journal britannique The Times a réagi très modestement : « L’assassinat du premier ministre égyptien met en évidence la complexité de la situation politique dans la région. La Grande-Bretagne appelle à la stabilité et au dialogue. »
Réaction au meurtre et ses conséquences
Le meurtre d’Ahmad Mahir Pacha a provoqué un choc en Égypte et ailleurs. Pour beaucoup, c’était un symbole de la crise profonde dans laquelle le pays se trouvait. D’une part, les nationalistes radicaux ont perçu l’événement comme un acte de résistance, et d’autre part, des politiciens modérés et partisans de la coopération avec le Royaume-Uni vu comme une menace pour la stabilité.
Le gouvernement égyptien a réagi à l’assassinat en intensifiant la répression contre les groupes radicaux, y compris Young Egypt. Mahmud Issawi a été arrêté, jugé et exécuté. Cependant, cela n’a pas empêché la montée du sentiment nationaliste dans le pays. Au contraire, l’assassinat de Mahir Pacha a été un catalyseur pour une nouvelle radicalisation de la politique égyptienne.
À long terme, cet événement a accéléré le processus de décolonisation de l’Égypte. L’assassinat du premier ministre a montré que la coopération avec la Grande-Bretagne devient de plus en plus impopulaire et dangereuse pour les politiciens égyptiens. Cela a incité beaucoup de personnes à revoir leurs positions et à devenir plus actives dans la promotion de l’indépendance totale du pays.
Ahmad Mahir Pacha : personnalité et patrimoine
Ahmad Mahir Pacha a été l’une des figures clés de la politique égyptienne dans la première moitié du XXe siècle. Il a occupé divers postes gouvernementaux, dont celui de ministre des Finances et de premier ministre. Sa carrière politique a été marquée à la fois par des succès et des contradictions. Mahir Pacha était connu pour ses initiatives réformistes visant à moderniser l’économie égyptienne et l’appareil d’État. Cependant, sa coopération avec le Royaume-Uni a été critiquée et désapprouvée.
Après son assassinat, la figure de Mahir Pacha est devenue un symbole des choix difficiles auxquels sont confrontés les politiciens égyptiens sous influence britannique. D’une part, il a lutté pour la stabilité et le développement du pays, d’autre part, ses actions ont été perçues comme une trahison des intérêts nationaux. Son héritage reste l’objet de débats parmi les historiens et les politiciens. L’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha, le 24 février 1945, a marqué un tournant dans l’histoire égyptienne. Cet événement a non seulement privé le pays d’un de ses dirigeants, mais il a aussi mis en lumière les profondes divisions politiques et sociales qui ont fait rage dans toute l’Égypte au milieu du XXe siècle. L’assassinat du Premier ministre était un acte de protestation politique contre l’influence britannique et un symbole de la lutte pour l’indépendance.
Bien que l’assassinat de Mahir Pacha n’ait pas apporté de changement immédiat, il s’agissait d’une étape importante dans le processus de décolonisation de l’Égypte. Cet événement a rappelé aux politiciens et à la société égyptienne la nécessité d’être plus assertif dans la défense des intérêts nationaux.
Les historiens se disputent encore sur les motifs du meurtre et ses conséquences. Certains croient que la mort de Mahir Pacha a été un catalyseur pour renforcer davantage les sentiments nationalistes en Égypte, ce qui a finalement conduit à la révolution de 1952 et au renversement de la monarchie. L’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha reste une des pages les plus controversées de l’histoire égyptienne. Il reflète le profond fossé qui sépare, dans la société, ceux qui ont cherché à faire des compromis avec les forces extérieures et ceux qui y voient une trahison des intérêts nationaux. Cet événement rappelle la complexité de la lutte pour l’indépendance et le prix élevé que la liberté doit parfois payer.
Aujourd’hui, l’assassinat d’Ahmad Mahir Pacha reste un rappel des défis complexes que les pays doivent relever dans leur lutte pour l’indépendance et la souveraineté.
Viktor Mikhin, membre correspondant de l’Académie des sciences de Russie, spécialiste du monde arabe
