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Faut-il croire aux déclarations apaisantes des États fondateurs du QUAD et de l’AUCUS ?

Fernando Gaillardo, juin 29

Faut-il croire aux déclarations apaisantes des États fondateurs du QUAD et de l'AUCUS ?

Lors de la conférence de la sécurité « Shangri-La Dialogue » qui s’est tenue à Singapour du 2 au 4 juin, le ministre américain de la Défense Lloyd Austin a assuré que les États-Unis n’essayaient pas de former un nouveau bloc militaire occidental comme l’OTAN dans la région Asie-Pacifique (APR). Le chef du Pentagone persuadait les personnes présentes que l’intérêt des puissances européennes dans la région n’était pas uniquement de nature militaire, et donc, naturellement, l’Europe « agit ici » parce qu’elle veut garantir la préservation de « bonnes relations avec les pays de la région ».

Le partenaire principal américain a été accompagné par le vice-Premier ministre australien Richard Marles. Il a déclaré que Canberra ne voyait aucun signe « d’exportation » de l’OTAN vers la région indo-pacifique, et que les alliances du pays avec la participation des États occidentaux dans le cadre du QUAD et de l’AUKUS visaient à maintenir la paix dans la région et à échanger des technologies militaires, y compris nucléaires, avec l’aide desquelles l’Australie allait assurer la sécurité et l’ordre collectifs fondés sur des règles.

Les déclarations des hauts fonctionnaires américains et australiens semblent être une réponse aux accusations portées par les dirigeants chinois contre les États-Unis selon lesquelles Washington mène une campagne pour contenir la Chine, ce qui présente des défis sans précédent pour Pékin, et que le véritable objectif de la stratégie des États-Unis dans les régions des océans Indien et Pacifique consiste à « encercler la RPC », notamment en créant une « version Asie-Pacifique de l’OTAN et en sapant l’intégration régionale ». Pourtant les messages apaisant des représentants américains et australiens ne paraissent pas du tout sincères sur le fond et dans le contexte des événements qui se sont déroulés la veille, pendant et immédiatement après la conférence de Singapour.

Par exemple, juste au cours du « Shangri-La Dialogue » (du 3 au 5 juin), le Japon, les États-Unis, l’Australie et, ce qui est important, le membre de l’OTAN, le Canada, ont procédé pour la première fois aux exercices maritimes conjoints de trois jours dans la mer de Chine Orientale. Les exercices avaient pour but de développer l’interaction  en mer afin de garantir une région Indo-Pacifique libre et ouverte. Toutefois, en se dirigeant vers la zone des exercices, des navires américains et canadiens ont traversé le détroit de Taiwan, ce qui, bien sûr, a été perçu par la Chine comme une provocation.

Dans le même temps et au même endroit, juste en marge de la conférence, les ministres de la défense des États-Unis, du Japon, de l’Australie et des Philippines, réunis pour la première fois dans ce format, se sont mis d’accord sur le renforcement de la coopération militaire dans la Région Indo -Pacifique.

Une attention particulière doit être accordée à l’intensification des démarches de Washington en direction de l’Inde dans l’optique du fait qu’au début de 2023, le coordinateur de la Maison Blanche pour les affaires de la Région Indo-Pacifique, Kurt Campbell, a désigné l’Inde comme la principale direction de l’activité diplomatique américaine pour cette année.

Il convient de mentionner ici la publication du 24 mai des recommandations maladroites du Comité spécial du Congrès des États-Unis sur la concurrence stratégique entre les États-Unis et le parti communiste chinois, qui a déclaré que « gagner la concurrence stratégique avec le PCC et assurer la sécurité de Taïwan exige que Washington renforce ses liens avec ses alliés et partenaires de sécurité, dont l’Inde » que « l’inclusion de l’Inde dans les mécanismes de sécurité de l’OTAN Plus (qui, rappelons-le, en plus des pays membres de l’OTAN comprend l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud et l’Israël) reposera sur un partenariat étroit entre les États-Unis et l’Inde afin de renforcer la sécurité mondiale et de contenir l’agression du PCC dans la Région Indo-Pacifique ».

Le ministère indien des Affaires étrangères, représenté par le chef du département, a été contraint de faire une déclaration relevée afin, sans offenser les États-Unis, d’écarter les soupçons qui avaient surgi dans les États de la région, et principalement dans toute la Chine, que New Delhi avait commencé à s’orienter vers une coopération plus étroite avec Washington et l’OTAN sur la plate-forme anti-chinoise.

Mais les partenaires transocéaniens de New Delhi dans la coopération militaire et militaro-technique, et en particulier les États-Unis, n’ont pas donné aux dirigeants indiens la possibilité d’arranger les choses. Le 8 juin, le vice-ministre de la Défense des États-Unis pour les affaires de sécurité dans les régions de l’océan Indien et du Pacifique, Eli Ratner, a déclaré que lors de la prochaine visite d’État du Premier ministre Narendra Modi à Washington le 22 juin, les États-Unis et l’Inde feraient des annonces importantes sur la coopération technique militaire. En outre, Ratner a également exprimé une certitude que les intérêts stratégiques convergents de l’Inde et des États-Unis conditionnaient un « partenariat américano-indien plus fort », dans lequel les forces armées des deux pays opéraient ensemble dans « l’océan Indien, la mer de Chine Méridionale et, peut-être, commenceraient à agir aussi dans le Pacifique occidental. » Il a également déclaré que les États-Unis cherchaient à intégrer l’Inde dans la coopération militaire avec le Japon, l’Australie et les Philippines.

Il est évident que les propos des représentants américains et australiens au « Shangri-La Dialogue » sont fondamentalement en contradiction avec les mesures que prennent leurs gouvernements pour militariser la région Asie-Pacifique.

Malheureusement, les chefs d’État des pays de la région qui osent critiquer les alliances pro-occidentales telles que QUAD, AUKUS ainsi que l’OTAN sont peu nombreux. Parmi eux est le Premier ministre cambodgien Hun Sen, qui a déclaré que les alliances militaires telles que l’OTAN et l’AUKUS devenaient un problème pour les pays de l’ASEAN en raison de leur influence croissante dans la région. « Actuellement la région asiatique, en raison de l’activité des pays de l’OTAN, devient un objet de tension dangereuse, car certains États ont annoncé l’envoi des navires de guerre plus près de l’Asie du Sud-Est et se dirigent vers la mer de Chine Méridionale », a souligné Hun Sen.

Il est temps que les autres États membres de l’ASEAN se rendent bien compte de la fausseté des discours apaisants des dirigeants occidentaux déclarant leur attachement à la paix et l’absence de plans agressifs, et se prononcent d’une seule voix contre l’implication croissante des États-Unis et de l’Europe dans le affaires de la région Asie-Pacifique.

 

Fernando Gaillardo, commentateur politique, spécialement pour le webzine «New Eastern Outlook».

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